La sortie du livre de Séverine Servat de Rugy aux éditions Michel Lafon le 5 mars 2020 n'avait rien d'une surprise. Elle avait été annoncée en novembre dernier, par L'Express, et il était prévu que la journaliste du magazine Gala allait "raconter sa vérité et défendre son époux". Au départ prévue pour le 27 février, la sortie de La marche du crabe a finalement eu lieu le 5 mars.
Cette publication en librairie et sur les supports numériques s'est accompagnée de deux interviews, l'une donnée au magazine ELLE, et publiée dans le numéro du 6 mars, et l'autre au Journal du dimanche, et publiée le 8 mars.
Dans les deux entretiens, Séverine Servat de Rugy n'a toujours pas digéré le sort qui a été réservé à son époux. Pour rappel, alors qu'il était ministre de la Transition écologique et solidaire depuis septembre 2018, François de Rugy avait été poussé à la démission après le déclenchement du "#HomardGate", en plein contexte des gilets jaunes.
Une enquête de Mediapart sortie en juillet 2019 avait mis en cause le supposé train de vie qu'il menait avec son épouse lorsqu'il était président de l'Assemblée nationale et la photo d'un dîner présentant plusieurs homards avait particulièrement choqué. On reprochait notamment à l'homme politique de 46 ans des dîners privés payés avec des fonds publics puis des dépenses extravagantes pour son appartement, son dressing ou encore un sèche-cheveux de luxe... Sa femme était aussi accusée d'avoir participé à ce fastueux train de vie. Et c'est ainsi que quelques jours après la publication de l'enquête de Mediapart, François de Rugy avait été contraint à la démission et avait passé la main à Elisabeth Borne malgré ses démentis en plein scandale. Une passation de pouvoir qui s'était déroulée le 17 juillet 2019 et que Séverine Servat de Rugy avait vécue le visage entièrement fermé. Depuis ce jour douloureux, la journaliste n'avait plus parlé. Jusqu'à ce qu'elle s'exprime dans son livre, dans le magazine ELLE et au JDD.
C'est la seule fois - en quatorze mois - qu'on a eu du homard sur la table
C'est au JDD qu'elle a expliqué le contexte de la fameuse photo avec les homards, la seule fois où ils en ont mangé. "Une de mes amies - du moins je le croyais - me demandait avec insistance de lui présenter de grands patrons. Elle m'a aussi demandé d'intercéder auprès de mon mari pour un redressement fiscal - je crois me souvenir qu'il était question de 1 million d'euros. Comme j'ai refusé, elle m'a envoyé un texto menaçant : 'Ton mari ne sera pas toujours ministre.' Si Séverine Servat de Rugy ne révèle jamais le nom de cette prétendue amie, elle a ensuite raconté qu'elle l'avait conviée "quelque temps auparavant" à un dîner à l'hôtel de Lassay, au moment de Noël, "parce qu'elle se disait en détresse". "A un moment, elle s'est collée derrière moi et m'a fait poser devant une bouteille de vin en me disant : 'C'est le vin préféré de ma mère.' Ça m'avait paru un peu bizarre, mais bon. Quand j'ai vu la photo publiée par Mediapart, je n'ai pas eu de mal à me rappeler la scène.... ni la date : ce réveillon, c'est la seule fois - en quatorze mois - qu'on a eu du homard sur la table."
En plus de dénoncer une injustice dans La marche du crabe, Séverine Servat de Rugy lève le voile sur sa vie à l'hôtel de Lassay, hôtel particulier situé rue de l'Université dans le 7e arrondissement de Paris qui est aussi la résidence du président de l'Assemblée nationale. François de Rugy a occupé ce poste de juin 2017 à septembre 2018. Le couple était logé au premier étage, dans un appartement privé "orienté nord" et dont le sol était "pourvu de moquette", "le chauffage central inexistant" et "les murs tendus de tissus piqués de gris". Ce gris pouvait être la conséquence de "grandes plaques de moisi qui s'y sont formées à cause de l'humidité". Autant de descriptions loin de la vie dorée imaginée, publiées dans ELLE. "On ne touche à rien, au risque d'atteindre à l'intégrité du bâti, quand bien même la menace d'insalubrité se faisait trop criante", a ajouté la journaliste de Gala.
Obligé de résider à l'hôtel de Lassay "pour des raisons de sécurité", le couple de Rugy, marié depuis 2017, est contraint à certaines obligations, notamment alimentaires : "Nous ne mangions pas ce que nous voulions, mais ce qu'on nous donnait." Séverine Servat de Rugy a ainsi lutté pour "obtenir des plats légers, comme des salades."
L'intimité n'était pas de rigueur puisque leur appartement privé ne comportait pas de clé et n'importe quel visiteur pouvait faire irruption à n'importe quelle heure du jour et de la nuit. C'est ainsi que les époux de Rugy se sont retrouvés en petite tenue face à un huissier.
Très rapidement après la démission de son mari, Séverine Servat de Rugy s'est plongée dans l'écriture, "une façon d'absorber le choc, de le mettre en perspective", a-t-elle confié au JDD. Une démarche faite "évidemment" avec l'aval de son mari qui a lu ses écrits. "C'est son histoire dont j'ai été témoin. Il m'a laissé faire et c'est avec son crédit, car il est rare qu'un politique laisse une telle liberté à son épouse", a-t-elle expliqué.
Plusieurs mois après le scandale, Séverine Servat de Rugy a tiré un enseignement qu'elle a livré à ELLE : "Il faut complètement cadrer les usages pour protéger les hommes politiques et leurs proches des maladresses, des malveillances. Des erreurs d'interprétation. Des cabales aussi." Les époux de Rugy sont aujourd'hui dans l'attente d'un procès puisque François de Rugy a porté plainte pour diffamation, un procès qui se fait attendre puisque "la justice marche mal pour tout le monde".
L'intégralité des interviews de Séverine Servat de Rugy sont à retrouver dans le ELLE du 6 mars et le JDD du 8 mars 2020.