L'année des 50 ans de Three Dog Night est une année noire. Quelques mois après avoir déploré la disparition de son claviériste Jimmy Greenspoon, emporté à 67 ans par un cancer, le groupe de rock choral américain est à nouveau endeuillé, suite au décès de son chanteur à la voix d'or Cory Wells. Danny Hutton, fondateur du trio originel avec Wells et Chuck Negron, a signalé sa mort avec beaucoup de tristesse.
"Cory était comme un frère à bien des égards. On avait été ensemble depuis 1965, et je suis sous le choc de sa brutale disparition, s'est ému l'artiste irlando-américain de 73 ans, père de Dash Hutton, batteur du groupe Haim, dans un communiqué publié sur le site officiel du groupe, toujours en activité. C'était un chanteur incroyable, un formidable artiste ; il pouvait tout chanter."
Cory Wells, marié depuis 50 ans avec sa femme Mary et père de deux filles qui l'ont fait cinq fois grand-père, s'est éteint mardi 20 octobre 2015 dans son sommeil à l'âge de 74 ans chez lui à Dunkirk, dans l'Etat de New York. Membre originel de ce trio vocal masculin qui marqua la fin des années 1960 avec son interprétation de One, superbe chanson d'Harry Nilsson (reprise magnifiquement dans les années 1990 par Aimee Mann), puis les années 1970 avec entre autres les singles classés numéro un Mama Told Me (Not To Come), Joy To The World et Black and White, il n'avait cessé de se produire au sein de la formation depuis les débuts. Ce n'est qu'en septembre de cette année qu'il avait dû se retirer, victime de problèmes de dos.
Né à Buffalo dans une famille de musiciens le 2 février 1941, Cory Wells, Emil Lewandowski de son vrai nom, a joué dans des groupes locaux dès l'adolescence. Décédé durant son enfance, son père biologique, marié à une autre femme que sa mère, lui a inspiré son nom de scène (Wells, pour Wellsley, Cory venant du manager Gene Jacobs, dont le fils se prénommait ainsi). Après de jeunes années plutôt terribles, entre une mère sans-le-sou et un beau-père violent, le jeune homme s'engage dans l'US Air Force en sortant du lycée ; même à l'armée, il trouve le moyen de monter un groupe ! De retour de son service, il intègre une formation nommée les Vibratos, qui deviendra The Enemys au moment de partir chercher la gloire en Californie, sur les conseils du manager Gene Jacobs. Le groupe s'établit en résidence au Whisky a Go Go, tremplin culte à Los Angeles qui vit passer Alice Cooper et les Doors. Là, Wells est repéré par la chanteuse Cher, qui lui demande de tourner avec son compagnon Sonny et elle : c'est lors de cette tournée qu'il fait la connaissance de celui qui va devenir son partenaire et ami cher pour pas loin de cinquante ans : Danny Hutton.
Après une parenthèse de Wells à Phoenix, les deux hommes fondent en 1968 Three Dog Night, enrôlant comme troisième larron le moustachu Chuck Negron, rencontré en soirée, et enregistrant leurs premières maquettes sous la houlette de Brian Wilson des Beach Boys. Avec ses harmonies vocales léchées, le trio connaît un immense succès dès la fin des années 1960 et au début des années 1970, avec des chansons comme Mama Told Me Not to Come, écrite par Randy Newman et dont Cory chante la partie principale (à voir aussi, entre autres : sa performance vocale sur Eli's coming...). "Je voulais juste te remercier pour avoir envoyé mes enfants à la fac", lui aurait plus tard dit le compositeur, selon une anecdote rapportée par le Los Angeles Times.
Three Dog Night se séparera en 1976, Wells tentant alors sa chance en solo, mais se reformera dans les années 1980, pour ne plus cesser de se produire. Dévoué au groupe de sa vie, Cory Wells, qui a gardé une voix exceptionnelle jusqu'au bout (cette autre interprétation d'Eli's coming que nous vous proposons dans notre player, en 2008, cette fois, en est une preuve sensationnelle !) menait en dehors de la scène une existence très paisible, se consacrant en particulier à sa passion pour la pêche, qu'il partageait avec ses petits-enfants et qui l'avait amené à participer à plusieurs numéros de l'émission télé The American Sportman, en Nouvelle-Zélande et en Amazonie.
G.J.