Assassiné le 8 décembre 1980 au pied du Dakota building aux abords de Central Park à New York, John Lennon aurait eu 75 ans le 9 octobre. Yoko Ono, sa veuve, a accordé une splendide interview au Daily Beast dans laquelle elle évoque avec beaucoup de sincérité le meurtre de l'homme de sa vie et lève le voile sur la sexualité de l'icône.
John Lennon a toujours laissé plané une certaine ambiguïté sur les liens qui le liaient à Brian Epstein, le manager des Beatles, déclarant par exemple : "C'était presque comme une histoire d'amour, mais pas tout à fait. Cela n'a jamais été consommé, certes, mais c'était très intense." Les rumeurs sont allées crescendo quand Lennon et Epstein sont partis tous les deux en vacances en Espagne en 1963. Plus de cinquante ans plus tard, Yoko Ono donne sa version des faits : "Disons que l'histoire que l'on m'a racontée n'était pas tout à fait grand public. Mais je ne pense pas qu'ils aient couché ensemble. Quand ils sont revenus d'Espagne, tous les journalistes leur ont posé cette question. Et John leur a répondu oui. N'est-ce pas génial ? Bien sûr qu'il allait leur répondre ça. Ceci dit, je suis sûr que Brian Epstein a tenté sa chance mais je ne pense pas que [John] en avait envie."
Il me disait qu'il n'aurait rien contre un homme très séduisant mais la difficulté était d'en trouver un qui était aussi particulièrement intelligent.
En revanche, l'artiste se montre plus catégorique quand on lui demande si John avait été tenté par une expérience homosexuelle : "Je crois qu'il en avait le désir, répond Yoko Ono. Mais il était bien trop inhibé. Non, inhibé n'est pas le mot. Il me disait qu'il n'aurait rien contre un homme très séduisant mais la difficulté était d'en trouver un qui était aussi particulièrement intelligent. (...) L'année de sa mort, il me disait qu'il aurait pu sauter le pas, mais qu'il n'avait jamais rencontré d'homme assez beau. Vous savez, John et moi étions vraiment passionnés par la beauté."
Une chose est certaine, John et Yoko formaient un couple moderne. Le rockeur souhaitant rester à la maison pour s'occuper de leur fils Sean et confiant ses affaires à son épouse. "Il croyait que j'en savais plus que lui sur le business, s'amuse Ono. Il voulait s'occuper de notre enfant ce qui était incroyable pour l'époque, encore très machiste. Et il cuisinait. Il faisait du pain."
Cela me semblerait tellement étrange de quitter cet appartement. Il y a tellement d'objets sur lesquelles il a posé ses mains.
Le rêve de John Lennon et Yoko Ono pris fin le 8 décembre au pied du Dakota. Le rockeur est abattu par balle par un homme à qui il avait signé un autographe un peu plus tôt dans la journée, Mark David Chapman. Ce dernier est toujours en prison malgré ses multiplies demandes de remises en liberté auxquelles s'est toujours opposées Yoko Ono, malgré les excuses de Chapman exprimés pour la première fois en 2014. Aujourd'hui encore, la Japonaise est terrifiée par l'assassin de John : "À l'époque j'aurais pu être tuée moi aussi. J'ai eu beaucoup de chance de ne pas mourir avec John. Si c'était arrivé, que serait-il advenu de Sean [né en 1975, NDLR] ? Depuis, je suis très prudente, comme un animal qui aurait l'habitude d'être chassé, comme une biche, raconte la veuve qui est toujours accompagné de gardes de corps. Que je sorte ou que je reste à la maison, je suis sur mes gardes. Il m'est très difficile de penser à Chapman, surtout parce qu'il ne pense pas avoir fait quelque chose de mal, ce qui est dingue." Aussi Ono s'opposera-t-elle jusqu'à sa mort à la libération de l'assassin de son mari : "Il a tué une fois et il pourrait recommencer. Cela pourrait être moi, Sean ou n'importe qui."
Il m'est très difficile de penser à Chapman, surtout parce qu'il ne pense pas avoir fait quelque chose de mal, ce qui est dingue.
Malgré cet assassinat, Yoko Ono vit toujours au Dakota. Elle n'a jamais imaginé quitter l'appartement qui abritait ses amours avec John Lennon. "On était là tous les jours, partageant chaque jour, chaque pièce. Jamais je ne partirais. Les bons souvenirs surpassent les mauvais. Il n'y a qu'un seul mauvais souvenir et il était terrible. Cela me semblerait tellement étrange de quitter cet appartement. Il y a tellement d'objets sur lesquelles il a posé ses mains et que j'adore. Ce sont des petites choses sont importantes pour moi." Yoko Ono a été mariée deux fois avant de se faire passer la bague au doigt par John Lennon en 1969. Depuis la mort du chanteur, elle est officiellement célibataire. À 82 ans, elle entend bien le rester, elle profite : "J'adore ça. J'ai été mariée trois fois. Le troisième était extrêmement satisfaisant et j'aurais aimé qu'il dure. Cela n'a pas été le cas. J'ai toujours été avec quelqu'un, c'est la première fois que je suis seule et c'est très bien."
Dans cette interview au Daily Beast, Yoko Ono évoque d'autres thèmes très personnels comme son amitié avec Paul McCartney, son lien avec le fils aîné de John, Julian (52 ans, dont la maman, Cynthia Powell, est décédée au printemps), ou le racisme dont elle a été victime au Etats-Unis. C'est quelque chose qui, dit-elle, l'a rapprochée de la communauté LGBT. Le 14 octobre à Londres, elle recevait un Icon Award de la part du magazine Attitude (à thématique LGBT) pour son soutien aux gays, bi, trans et lesbiennes. "C'est génial de recevoir ce prix, parce que je travaille depuis longtemps à créer une atmosphère plus tolérante." Quant à l'égalité de tous les couples face au mariage, légal pour tous depuis peu outre-Atlantique, Yoko Ono s'en félicite sans effusion de joie inutile : "C'est vraiment fantastique, mais nous n'avons pas à être reconnaissants. C'est juste normal."
L'autre actualité de Yoko Ono, c'est une exposition retraçant ses oeuvres de 1960 à 1971 que vient de lui consacrer le MoMA à New York et qui voyagera prochainement à Pékin et Tokyo. Tandis qu'à Lyon, sera prochainement présenté la rétrospective Yoko Ono : Lumière sera présentée au Musée d'art contemporain du 9 mars au 10 juillet 2016.
L'intégralité de cette interview de Yoko Ono, à lire d'urgence sur The Daily Beast.