Biographie
- Naissance : 17 août 1946, Tunis
- Âge : 78 ans
- Signe astrologique : Lion
- Résidence : France
Avec ses lunettes rondes, ses vestes colorées, sa gestuelle méditerranéenne, sa faconde et ses questions pointues, Serge Moati est une figure de la télévision. Mais il en est surtout un grand homme, réalisateur, documentariste, acteur à l'occasion, et passionné de son temps.
Henri Haïm Moati naît à Tunis, alors sous protectorat français de Tunisie, le 17 août 1946. Son père Serge est franc-maçon, fils de franc-maçon, socialiste et journaliste, notamment à Petit Matin et à Tunis Socialiste, des quotidiens en langue française qui paraissent à Tunis. Il est également rattaché à la communauté des Granas, des juifs portugais sépharades établis à Livourne, en Toscane, à la suite de leur expulsion de la péninsule ibérique au XVe siècle. Certains d'entre eux quittent Livourne pour s'établir à Tunis et à Sousse, en Tunisie, et y forment des communautés endogènes. Le père du futur réalisateur est arrêté et déporté pour ses activités de résistance, durant la Seconde Guerre mondiale. Interné au camp de concentration d'Oranienburg-Sachsenhausen, au nord de Berlin, il réussit à s'en évader pour aller participer à la Libération de Paris. Odette Scemama, sa mère, est pour sa part issue de la communauté juive locale, native de Tunisie, les Twânsa.
Serge a une soeur aînée, Nine Moati, devenue romancière, avec laquelle il s'installe à Paris fin 1957. Il est élève au lycée Carnot de Tunis quand il perd son père et sa mère, successivement, à l'âge de 11 ans. Il devient alors pensionnaire au Lycée Michelet à Vanves, au sud de Paris, où à 16 ans il monte un groupuscule politique, Action et Résistance, pour protéger les maisons menacées par l'OAS.
Depuis longtemps il s'intéresse à l'image, à la télévision comme au cinéma. Il aura ainsi l'occasion de jouer divers petits rôles, dans Les Quatre Cent Coups (1959) de François Truffaut, puis dans La Femme Bourreau (1968) de Jean-Denis Bonan, tourné pendant les événements de mai 68. Ces rôles très secondaires lui permettent de s'approcher au plus près d'un territoire qu'il veut faire sien. Il y trouve sans doute aussi un certain plaisir, puisqu'on le reverra à quelques occasions du côté objectif de la caméra, dans le téléfilm Au bout du chemin (1981) avec la comédienne Claude Jade, dans Allons z'enfants (1981) d'Yves Boisset, Le Courage d'aimer (2005) de Claude Lelouch, dans Plus tard du comprendras (2009) d'Amos Gitaï avec Jeanne Moreau, et dans 17 filles (2011) de Delphine et Muriel Coulin.
Son désir d'image trouve cependant à s'accomplir dès son service militaire au Niger, en 1965, quand il est embauché, à la suite d'une petite annonce dans France Soir, comme assistant réalisateur. Muni de ce viatique, il entre ensuite à l'ORTF à 21 ans comme assistant réalisateur encore, où il va travailler sur des émissions culte, Dim Dam Dom, 5 Colonnes à la une, mais également couvrir la guerre du Vietnam. La télévision va ainsi devenir son champ d'exploration et d'expression, où il réalise des téléfilms et des documentaires. Il commence par y adapter des romans de François Mauriac : Le Noeud de vipères (1971), Le Sagouin (1972). Puis il signe des téléfilms sur des sujets historiques, comme la série Le Pain noir (1974-1975), les téléfilms Rossel et la Commune de Paris (1977), La Croisade des enfants (1988), Une femme dans la tourmente (1994) avec Miou-Miou, Jésus (2001), Capitaines des ténèbres (2005), Mitterrand à Vichy (2008), ou "Je vous ai compris" De Gaulle : 1958/1962 (2010). Il réalise quelques pures fictions et se réserve souvent un petit rôle dans ces diverses productions.
Serge Moati (il a repris dès le début de sa carrière audiovisuelle le prénom de son père) est aussi reconnu comme réalisateur de documentaires, à partir de 1968, où ses films sont diffusés dans les émissions magazines, comme 5 Colonnes à la une, Envoyé Spécial ou La Marche du siècle. Mais il fournit aussi au service public des documentaires longs-métrages, sur les Francs-Maçons, sur l'homosexualité, et essentiellement sur la politique. Ses documentaires sur Le Pen sont très commentés ; il est à l'opposé de l'échiquier politique, mais il profite d'une vieille amitié avec le leader d'extrême-droite pour le faire parler de façon plus libérée. Il est l'auteur d'une quinzaine de documentaires sur diverses élections et se fait une réputation de regard toujours perspicace et humain sur la vie politique de la France.
Serge Moati réalise aussi deux films de cinéma, Nuit d'or (1976), avec Klaus Kinski, Maurice Ronet, Bernard Blier et Anny Duperey, puis Des Feux mal éteints, une fiction sur la guerre d'Algérie (1994).
Avec cette vaste expérience, il se voit confier la direction des programmes de FR3 de 1981 à 1982, puis la direction générale de la chaîne de 1982 à 1985. A partir de 1990, il dirige également sa maison de production, Image & Compagnie, qui fournit des programmes variés aux chaînes, fictions, documentaires, séries et magazines. Il est également animateur de Ripostes, une émission de débats, sur la 5, de 1999 à 2009. Sur la même chaîne, de 2009 à 2011, il présente Cinémas, une émission hebdomadaire sur le septième art, puis sur LCP, en 2011 et 2012, Objectif Elysée et Objectif Assemblée, des émissions de débats politiques liés aux échéances électorales imminentes. Il poursuit sur le créneau politique avec PolitiqueS, toujours sur LCP.
Car la politique, avec le cinéma, est le moteur d'une vie passée à l'observer, voire s'y engager. A 20 ans, il est militant à la Fédération Anarchiste au Quartier Latin, puis il rejoint la SFIO en 1968, où il rencontre François Mitterrand dont il devient, en 1971, le conseiller pour l'audiovisuel. En 1981, avec Robert Badinter, il prépare Mitterrand pour le débat d'entre-deux tours, mais il est aussi en régie, à côté du réalisateur du débat filmé, pour exiger des gros plans pour mettre en valeur son candidat. C'est lui aussi qui réalise la diffusion de la cérémonie d'investiture, le 21 mai 1981, au Panthéon.
Homme d'image, il est aussi homme de mots, qui a publié une quinzaine d'ouvrages, romans et essais politiques. Le plus connu est Villa Jasmin (2003), qui retrace la vie de son père et la vie quotidienne à Tunis dans la communauté juive des années 50 - le livre donnera lieu plus tard à une adaptation en téléfilm.
En 1980, le réalisateur épouse Agnès Chaniolleau, dont il a un fils, Victor, devenu producteur de cinéma institutionnel. En 1984, il épouse en secondes noces Sophie Gourdon, énarque, présidente de la troisième chambre de la Cour des comptes depuis 2015. Avec elle, il a une fille, Irène (1985), accessoiriste dans le cinéma, et un fils, Félix (1990) acteur (LOL, Hippocrate, Le Grand Bain) et réalisateur (Deux fils, 2018, avec Vincent Lacoste, Benoît Poelvoorde et Anaïs Demoustier).