Victime d'une maladie incurable, Alejandro Alonso, excellent milieu de terrain passé par les Girondins de Bordeaux et Saint-Étienne, a été contraint de mettre un terme à sa carrière. A 30 ans seulement. Dans L'Équipe, il a confié son quotidien fait de douleur, de tristesse et de dépit face à cette maladie qui le prive de la simple joie de jouer au football...
Changement de lit et spondylarthrite ankylosante
Alejandro Alonso traînait ses crampons sur les terrains de Ligue 1 depuis près de huit ans. Mais tout s'est arrêté brutalement en septembre dernier. Le verdict des médecins est alors sans appel : le milieu de terrain souffre d'une spondylarthrite ankylosante. Un mal incurable qui ronge progressivement sa victime.
Pour l'Argentin, tout commence à l'été 2012, alors qu'il se rend dans son pays natal pour les vacances. "Je ressentais une petite douleur au bas du dos. Comme ça ne m'était jamais arrivé, j'ai pensé à un coup", explique-il à L'Équipe depuis les hauteurs de Saint-Étienne, dans sa vaste demeure de La Fouillasse où il passe désormais le plus clair de son temps. Une douleur qui ne l'a plus quitté depuis. A son retour d'Argentine, devant le mal persistant, le joueur de Saint-Étienne pense alors dans un premier temps à changer sa literie. Par deux fois, le combo matelas-sommier est remplacé. Sans résultat : "J'ai vite compris que ça ne servait à rien. La douleur continuait à me réveiller la nuit." Rendez-vous est donc pris avec les médecins. Le diagnostic tombe comme un couperet. Spondylarthrite ankylosante, la fameuse maladie que dénonçait inlassablement Frank Leboeuf dans des spots publicitaires. "Ce n'est ni mécanique, ni musculaire. C'est rhumatismal, un peu comme si un virus était allé se loger dans ma colonne vertébrale", explique-t-il. Le docteur Alain Simon, ancien médecin de l'Insep, du PSG et de l'équipe de France précise : "Cette maladie n'est pas très courante. Elle n'a rien à voir avec la pratique du sport. Elle se traduit par des douleurs nocturnes et matinales. Le sujet ne risque pas une paralysie totale. Malheureusement, elle évolue par crises et se traduit par un enraidissement. C'est cela qui fait mal. (...) En résumé, on peut vivre avec cette maladie mais c'est très douloureux et on n'en guérit pas."
Douleurs intenses et nuits blanches
Le coup est rude pour le joueur de Saint-Étienne, qui continue malgré la douleur qui s'accentue. "Je ne pouvais plus faire ni footing ni musculation. Dès le mercredi, je prenais des anti-inflammatoires trois fois par jour et, le weekd-end, je jouais sous infiltration", poursuit-il. Pour autant, son entraîneur et les joueurs ne le lâchent pas. Le coach, Christophe Galtier, ne l'a jamais écarté du groupe, même quand il ne pouvait plus jouer, le faisant entrer quelques minutes en fin de match. Le 3 novembre 2012, il offre même le but de la victoire à l'un de ses partenaires face au Paris Saint-Germain, avant que Zlatan Ibrahimovic ne disjoncte.
Son avant-dernière rencontre. Le match suivant, Alejandro Alonso écope de deux cartons jaunes synonymes d'expulsion en moins d'une minute. "J'étais énervé, je n'y arrivais plus", reconnaît-il aujourd'hui. On lui conseille de consulter un psychologue, lui préfère voir d'autres médecins. Sans résultats. Jusqu'au 13 janvier dernier, où la médecine du travail le déclare inapte au métier de footballeur. Un choc. Brutalement, le jeune trentenaire se voit contraint d'arrêter ce qu'il a toujours fait, jouer au football. Dans la foulé, Sainté lui propose une reconversion avant de finalement le licencier. Pour autant, pas question de laisser un joueur en difficulté. L'ASSE lui offre d'intégrer sa cellule de recrutement. Quand il sera prêt. "Je remercie le club, qui est très gentil avec moi, mais, aujourd'hui, je ne m'en sens pas la force, confie-t-il à L'Équipe. Cela fait six mois que je n'ai pas fait une nuit. C'est incroyable ! J'ai été obligé de réduire les anti-inflammatoires à cause des diarrhées et des dégâts provoqués. A forte dose, ils sont plus toxiques que l'alcool et la cigarette. Je compense en me couchant très tard. Mais la douleur me réveille toujours la nuit. Je me lève, je marche dans la maison, un verre d'eau à la main, je zappe devant la télévision et je me recouche."
Kiné et traitement lourd
Depuis, Alejandro Alonso ne suit plus les Verts. Son casier du centre d'entraînement est toujours plein de ses affaires. Les mots lui manquent encore aujourd'hui pour s'adresser à ses partenaires, qui prennent régulièrement de ses nouvelles. Quelques textos d'encouragements ou de félicitations de temps en temps envoyés à ses anciens partenaires. En mars, il ajoutera à ses trois séances de kiné hebdomadaires un traitement anti-TNF de un à deux ans, sorte de chimiothérapie très lourde mais efficace. "Je sais que je ne guérirai pas. Toute ma vie sera désormais ainsi. Je me console en me disant que je ne souffre pas d'un cancer incurable et que je ne devrais pas me retrouver paralysé à cinquante ans", souffle-t-il, visiblement fatigué, aussi bien physiquement que moralement. Pour lui, le sport est terminé, sous toutes ses formes. Et c'est peut-être ça le plus dur.