Réputé inadaptable, Daniel Pennac est de retour au cinéma. Non pas à la plume du scénario d'un film d'animation (on se souvient du formidable Ernest & Célestine) mais en muse, pour le déjanté et amusant Au bonheur des ogres. Rencontre avec celui qui a réussi à convaincre l'auteur de La Saga Malaussène : Nicolas Bary.
Tout sourire, Nicolas Bary - à qui l'on doit le divertissant Les Enfants de Timpelbach en guise de premier long métrage - pose d'emblée la première difficulté qu'il a rencontrée : Daniel Pennac, l'auteur d'Au bonheur des ogres. "Quand je l'ai rencontré, il m'a dit qu'effectivement, c'était un univers qui était pour lui très compliqué à adapter, qu'il n'y tenait pas forcément. J'ai donc essayé de le convaincre, je sentais que c'était vraiment un sujet pour moi", nous confie-t-il. Sa bonne volonté et ses idées auront raison du scepticisme de Pennac.
"C'est quelqu'un de très exigeant, à juste titre, d'expérimenté, compétent, avec un univers très fort qu'il a développé pendant des années", tente de définir Nicolas Bary, avant de narrer le processus d'écriture qui aura duré "deux ans et demi". "Pendant 3-4 mois, on s'est vu, on faisait connaissance et en même temps, c'était un travail de drague. Il m'a toujours dit, 'approprie-toi le livre', il m'a donné cette confiance-là", se réjouit le jeune metteur en scène. "Sans être scénariste à proprement parler, il était impliqué. Juste avant le tournage, on a fait une lecture de huit heures chez lui avec mon coscénariste." Autant dire qu'il n'y avait pas meilleur conseiller !
Prévu pour le printemps dernier, Au bonheur des ogres ne sortira finalement qu'aujourd'hui. "Le film a été repoussé pour des raisons marketing", nous explique son auteur. "Daniel Pennac voulait aussi toucher son public", en permettant notamment à l'équipe de rencontrer les enfants et à Gallimard de rééditer le livre. "L'été a finalement décalé le film à la Toussaint." Un bon point pour Nicolas Bary : "On ne l'appréhende pas pareil, ne serait-ce que pour parler du film, avec plusieurs mois de recul."
Il l'assure néanmois, il n'y a pas eu de nouveau montage du film : "Non, le film était prévu dans les délais." L'occasion pour lui de nous expliquer combien ledit montage a été compliqué : "C'est un film très découpé, avec plus de 1700 plans de montage. C'est très énergique et il fallait trouver cet équilibre."
Pour le trouver, il a aussi fallu choisir des acteurs en qui placer sa confiance. Pour Malaussène, c'est le très convoité et non moins talentueux Raphaël Personnaz qui a été choisi. "J'ai connu Raphaël il y a un peu plus de dix ans, sur La Première Fois que j'ai eu 20 ans, je travaillais en régie et Raphaël tenait l'un des rôles secondaires, raconte le réalisateur. On était déjà un peu devenu ami à l'époque, puis on s'est perdu de vue. Et je l'ai redécouvert sur La Princesse de Montpensier, et j'ai perçu cette dimension d'énergie et de comédie." Avec cet acteur, Nicolas Bary évite le piège du "personnage mollasson", tout en s'amusant sur le look de son personnage. "Je lui avais dit, 't'es un super beau mec, très photogénique', alors que Mallaussène ne joue pas du tout là-dessus."
Quant à Bérénice Bejo, "je l'ai rencontrée avant la promotion de The Artist. Elle était à l'époque enceinte. Elle avait une vraie motivation de jouer Tante Julia, j'ai senti qu'elle amènerait une couleur très sympathique à un personnage qui, à un moment où elle prend les choses en main notamment sur le plan sexuel, ne devait pas faire vulgaire. Elle est ludique dans ce jeu avec Mallaussène", conclut le cinéaste.
Christopher Ramoné
"Au bonheur des ogres", en salles dès le 16 octobre.