En 2006, le réalisateur franco-algérien Rachid Bouchareb créait l'événement avec Indigènes, qui suivait quatre soldats africains combattant pour la France en pleine Seconde Guerre Mondiale, et valait à son casting - Jamel Debbouze, Samy Naceri, Sami Bouajila, Roschdy Zem et Bernard Blancan - un prix d'interprétation masculine commun au Festival de Cannes.
Quatre ans après, la même équipe (sauf Samy Naceri) sera de retour sur la Croisette le vendredi 21 mai, à l'occasion de ce 63e Festival de Cannes afin de présenter Hors-la-loi, qui représentera l'Algérie et qui narre, au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, les manifestations pour l'indépendance de l'Algérie qui deviennent de plus en plus fréquentes en France...
Cependant, même si le Festival a été lancé hier en grande pompe et avec succès, Hors-la-loi crée la polémique depuis plusieurs jours. En effet, alors qu'aucune projection n'avait encore eu lieu, le député UMP des Alpes-Maritimes Lionnel Luca était monté au créneau pour dénoncer une "falsification de l'histoire", concernant les nombreux massacres - plusieurs milliers d'Algériens et une centaine d'Européens - tués en répression des manifestations pro-indépendantistes qui se sont tenues dans l'est algérien, notamment à Sétif et Guelma, en 1945, sujet du film : "Bouchareb est un partisan, un irresponsable qui met le feu aux poudres de manière insupportable. Autant Indigènes était dans l'esprit positif de réhabilitation, autant celui-ci est dans un esprit négatif et négationniste. Ça ne va pas se passer comme ça !"
Aujourd'hui, via un communiqué de presse envoyé directement à la direction du Festival de Cannes, le cinéaste Rachid Bouchareb répond à ses détracteurs. Voici les termes de sa lettre :
"Depuis trois semaines, une polémique précède la présentation à Cannes de mon film Hors-la-loi, alors que ceux qui participent à cette polémique n'ont pas vu le film... Devant de telles passions et dans un souci d'apaisement, il m'apparaît important de rappeler deux choses :
- Hors-la-loi est un film de fiction, une saga qui raconte l'histoire de trois frères algériens et de leur mère sur une période de plus de trente-cinq ans, du milieu des années trente à l'indépendance de l'Algérie en 1962.
- Il faut qu'il soit possible que le cinéma aborde tous les sujets. Je le fais en cinéaste, avec ma sensibilité, sans obliger quiconque à la partager. Après les projections, il sera temps que le débat public se déroule. Attaché comme je le suis à la liberté d'expression, il me paraît normal que certains puissent être en désaccord avec mon film, mais je souhaite que ce désaccord s'exprime dans un cadre pacifique et dans la sérénité du débat d'idées.
Pour le monde entier, la France est une terre de liberté et je suis particulièrement fier d'y montrer mon film, dans le plus prestigieux des festivals. Je souhaite que cette projection se fasse dans le respect mutuel et dans un climat serein."
Rachid Bouchareb