Quarante ans après Les Valseuses, le tandem formé par Isabelle Huppert et Gérard Depardieu se retrouve sur la Croisette avec Valley of Love, présenté en Compétition officielle au 68e Festival de Cannes. Dans la dernière ligne droite avant le palmarès ce dimanche, Guillaume Nicloux espère séduire le jury en dirigeant deux monstres sacrés du cinéma français que tout oppose.
Au photocall officiel du film, quelques heures à peine avant leur montée des marches au beau milieu de l'après-midi, Gérard Depardieu et Isabelle Huppert affichaient leur tendre complicité. Irrésistible même, lorsque Depardieu colla son front contre la tempe de sa partenaire pour signer l'une des images de ce Festival de Cannes 2015. L'imprévisible Gérard Depardieu étant ce qu'il est, il n'a pas manqué de s'offrir un autre moment en embrassant tout simplement la belle et chic Isabelle sur la bouche. À en juger par la surprise de cette dernière qui s'est immédiatement écartée, pas sûr que le geste de l'espiègle Gégé a été apprécié.
Après la conférence de presse et un petit passage par l'hôtel, l'équipe du film a filé de nouveau vers le Palais des festivals pour la présentation officielle du film dans le Grand Théâtre Lumière. L'occasion de voir briller sous le soleil cannois un duo qui ne s'était pas reformé depuis Loulou, du sulfureux Maurice Pialat, en 1980. Gérard Depardieu n'aura pas manqué de louer sa divine partenaire (parée par Chopard sur le tapis rouge), une "guerrière dans une profession si cruelle pour les femmes et qui leur vole souvent leur vie". Aux côtés de sa femme de fiction, l'acteur si tumultueux s'est confié sans fard à Télérama. Lorsqu'il ne tarit pas d'éloges sur Isabelle, il évoque son amour pour la vie, lui le "voyou" qui a "fait du cinéma par hasard". "Je n'ai aucun désir, aucune ambition autre que la vie, confie-t-il avec philosophie. Je suis envahi par l'amour de la vie. Ce que j'aime, c'est l'autre. Car tout ce que je sais me vient des autres. Moi, je ne m'aime pas. D'ailleurs je ne me connais pas. J'ai encore des inhibitions, des pudeurs, ou des impudeurs, même sexuelles, que je n'aurais jamais imaginées." Le prolifique Depardieu se laissera même dire qu'il ne s'est "guère aimé que dans les films de Pialat" et retiendra tout au plus une quinzaine de films dans lesquels il n'aurait pas trahi ses rôles et s'avouerait fier de sa prestation. Dans la plus partie plus intime, il évoquera sa jeunesse et avouera s'être "inventé des vies pour survivre, et même des enfances", un monde très différent de celui d'Isabelle Huppert, qui réplique : "Avoir eu une enfance bourgeoise ne m'a pas davantage favorisée."
Et de conclure sur Valley of Love, l'histoire d'un couple qui se rend dans la fameuse Vallée de la mort pour s'adonner à un jeu de piste orchestré par son fils qui vient de se suicider. Une histoire qui n'est sans faire écho à Guillaume Depardieu, disparu trop tôt pour un père qui avoue : "Guillaume a choisi sa vie, il a choisi sa mort. Je ne me sens pas responsable. Évidemment, je n'étais pas assez là. Mais si je l'avais été, avec ce que je suis, est-ce que ça aurait vraiment changé les choses ? Je ne sais pas... J'ai eu un énorme chagrin. Guillaume ne me quitte pas."