C'était déjà le couple star de la natation, voire le clan star en incluant le petit frère Florent qui a rallié à son tour le CNM et veut disputer les JO de Londres 2012 en famille : Laure Manaudou et Frédérick Bousquet ont tout intérêt à supporter la pression médiatique à présent que l'ancienne championne olympique et championne du monde a annoncé son retour à la compétition. Enfin, "annoncé"... sans s'exprimer directement ni indiquer de date - inutile, l'échéance est clairement olympique. Présente à Paris pour voir son Fred briller sur le 50m nage libre (21''78) à l'Open EDF mais toujours dans l'ombre du Brésilien Cesar Cielo, intouchable (21"66), Manaudou a annoncé sa décision dans les colonnes du JDD. Pour sûr, un biais plus sécurisant et moins exposé au feu des médias qu'un point presse en plein meeting à la Croix-Catelan. Depuis, Laure s'est exprimée sur RTL ("j'ai l'impression que je n'ai jamais fini ce que je voulais faire en natation") et dans le JT de France 2.
Cela étant, le timing fut excellent. Quelques jours auparavant, des remous et de nouvelles interrogations sur sa situation sportive avaient été déclenchés par son relais exhibition "bon enfant" au meeting de Carcassonne. Dans l'Aude, Laure Manaudou et Frédérick Bousquet avaient même permis aux médias de découvrir la frimousse de leur petite Manon âgée d'un an, qui a également joué un rôle dans le désir de sa jeune maman de renager dans le grand bain ("que Manon soit fière de moi, pas seulement de mon passé"). On sait désormais qu'il ne s'agissait que des prémices d'un véritable plan de communication orchestré autour de la grande annonce du come-back de l'athlète qui a le plus apporté à la natation française. Réapprivoiser, de loin et à ses conditions, la gourmandise et l'empressement des médias.
"Rien à branler" : signé Lucas, évidemment !
Dans le sillage de la révélation, Philippe Lucas, ancien mentor de Laure, fut le seul à repérer - ou à signaler, du moins - l'habileté de la manoeuvre : "Les sélections [pour les Jeux Olympiques 2012, NDLR] sont mi-mars, Didier [Poulmaire, qui gère ses intérêts, NDLR] a tout compris, c'est un malin. On est à Paris, avec tous les médias, tout était calé." Au-delà de ce constat, le plus gaulois des entraîneurs français, qui entraîne désormais avec beaucoup d'ambitions l'ex-rival enuméro un de Manaudou (Federica Pellegrini), n'en a "rien à branler" : "Elle a un plan d'entraînement pour s'y mettre tout de suite. C'est un contre-la-montre. Pour moi, elle a arrêté plus tôt qu'en 2008. Mais elle est capable de le faire. Nous on a divorcé, on a signé les papiers, l'histoire est finie (...) Elle est aux Etats-Unis avec un grand entraîneur, Brett Hawke. Je vais vous dire les choses honnêtement, je m'en fous qu'elle revienne. C'est pas mon problème. J'en ai rien à branler (...) Je suis à fond derrière Federica (Pellegrini). Si je dois surveiller Manaudou, je dois en surveiller 20, et donc ne pas m'occuper de ma nageuse." "Je l'ai assez vue nager dans ma vie", complète-t-il dans France-Soir.
"C'est vrai ? Non ? Laure Manaudou ? C'est pas vrai !" : Fred Bousquet s'amuse !
L'officialisation du come-back de Laure Manaudou, applaudie par le DTN Christian Donzé qui guettait depuis près d'un an, a suscité des réactions diverses. A commencer par celle de son compagnon Frédérick Bousquet. A la sortie du bassin de l'Open EDF, pas de traitement de faveur : comme pour les autres, on s'en fout de sa course, on veut parler de Laure ! Le grand Perpignanais, gage de la sérénité de son couple, entame sa réponse par une pirouette, plaisantant crânement (à voir dans une vidéo de nos confrères de L'Equipe) : "C'est vrai ? Non ? Laure Manaudou ? C'est pas vrai ! Elle ne me l'a pas dit !" Et d'enchaîner, plus sérieusement : "Elle a bien mûri sa décision. Elle a pris le temps de réfléchir. Elle n'a pas été dans la hâte. Brett a été bon, pour la temporiser. Je la sens heureuse, c'est l'essentiel. A partir du moment où elle a commencé à me battre à l'entraînement, ça a dû la motiver. Il y a l'entraînement et une étape importante : repasser derrrière les plots et de retrouver toute cette attention médiatique qui, à une époque, l'effrayait à une époque. Je ne sais pas comment vous l'avez ressenti, mais j'ai l'impression que ça va mieux. J'espère juste qu'il n'y aura pas trop d'attente sur elle et qu'elle pourra refaire son petit chemin tranquillement comme elle a fait ces derniers mois." Et de s'agacer quand on l'interroge déjà sur les objectifs de sa dulcinée : "C'est ça les questions qui nous effraient. Laure n'est pas une machine. A chaque fois qu'elle nage, elle ne va pas battre un record."
Le frère de l'intéressée, Florent Manaudou, qui a gagné son billet pour Shanghai dans le sillage de son beau-frère, rigole gentiment ("Moi je le savais depuis longtemps" avant d'évoquer "un rêve qui devient réalité" : celui de disputer les JO en famille. "C'est un objectif, mais encore plus un jeu, on prend ça à la rigolade."
Pas que des heureux, loin s'en faut...
En dehors, du clan, les commentaires sont divers. Certains semblent réellement surpris, à l'image du toujours frais et spontané Yannick Agnel, auteur d'un chrono canon sur son 200m à l'Open EDF : "C'est super cool ! Du peu que je la connais, elle est super gentille. C'est un peu comme Ian Thorpe, Janet Evans et compagnie. Ce sont des gens que je n'ai pas côtoyés, mais vu à la télé. Je les regardais étant petit, en disant je veux faire ça, je veux être comme ça." Evidemment, lui n'a rien à craindre du retour de Manaudou. Ce qui n'est pas le cas de sa camarade Niçoise Camille Muffat, elle aussi très en verve lors du meeting de ce week-end, où elle a réaffirmé que la patronne de la natation française, c'est elle. On comprend d'autant mieux l'agacement qui poind, car les circonvolutions de Manaudou privent de lumière un certain nombre d'autres athlètes qui n'ont eux jamais quitté la compétition. Tranchante, Muffat, un peu comme Alain Bernard (en panne de résultats et en froid avec certains de ses homologues concernant le relais des Mondiaux), coupe court : "Je pensais que vous alliez me parler de ma course. Ce que je pense de son retour ? Rien de spécial." Autre argument, même style, Camille Lacourt, nouvelle bête de pub, n'est pas plus disert : "Je ne m'entraîne pas avec elle, je ne sais pas où elle en est. Si elle ne veut pas s'exprimer, je ne vais pas m'exprimer à sa place."
Dans les colonnes de France-Soir, ce lundi, Philippe Lucas réagit aux réactions : "Je ne vois pas pourquoi ça emmerderait les gens. Elle fait ça pour elle, ce n'est pas elle qui demande qu'on fasse un gros truc parce qu'elle revient. Après ils ont le droit de s'exprimer et de dire que ça les emmerde. Au moins ils ont l'honnêteté de le dire." Et ce n'est qu'un début.
Au lendemain de l'annonce, un torrent de réactions. Et, déjà, immanquablement, des attentes.