D'ordinaire, le seul drame qui se produit à l'heure de la Coupe d'Afrique des Nations (CAN), traditionnel rendez-vous footballistique de début d'année, c'est que les plus talentueux joueurs africains évoluant dans les meilleurs championnats désertent leur équipe et désespèrent leur coach, qui doit se creuser les méninges de l'ardoise pour composer sans eux... Didier Drogba, Mamadou Niang, Samuel Eto'o... : tous les grands noms ont pris la direction de la compétition. Mais aujourd'hui, le cauchemar des tacticiens à laisser place au cauchemar des joueurs, de l'autre côté de la Méditerranée.
Le car transportant l'équipe nationale du Togo a été mitraillé à la frontière angolaise, attaque survenue vers 15h15, alors que le car des joueurs venait de pénétrer dans l'enclave de Cabinda, l'un des quatre sites de la 27e édition de la compétition continentale africaine où doivent évoluer les quatre équipes du groupe B (Togo, Côte d'Ivoire, Ghana, Burkina Faso). Un assaut finalement meurtrier : si neuf blessés sont à déplorer au sein de la délégation, le chauffeur, lui, a péri.
Thomas Dossevi, joueur du FC Nantes et international togolais, était à bord au moment de l'attentat revendiqué par les Forces de Libération de l'enclave de Cabinda. Très choqué, il raconte :
"On a été mitraillés, alors qu'on était pourtant encadrés par deux cars de policiers. Il y a eu deux joueurs [le gardien du GSI Pontivy, Kodjovi Obilalé, et le défenseur du Vaslui FC, Serge Akakpo] et des dirigeants blessés.
Nous revenions de notre stage du Congo pour nous rendre en Angola. Et cinq minutes après que nous eûmes passé la frontière angolaise, vers quinze heures, nous avons été mitraillés par des rebelles. Certains joueurs comme moi ont eu le temps de se protéger en se jetant sous les sièges. Pour éviter les balles, nous sommes restés allongés une vingtaine de minutes au sol, j'ai eu très peur, j'entendais les balles et je ne savais pas ce qui se passait. C'était très impressionnant. Moi, j'ai été très choqué et je le suis encore, mais au moins j'ai la chance d'aller bien car j'étais dans le fond du bus.
C'est surtout ceux qui étaient à l'avant qui ont été touchés. Il y avait beaucoup de dirigeants et de membres du staff qui étaient assis là. Et beaucoup sont gravement blessé. Mais pas uniquement par le bris des vitres, qui ont explosé sous l'impact des balles, mais, eux, par des balles tirées par les rebelles avec leurs mitraillettes. Ils nous ont mitraillés comme des chiens, c'est dégueulasse. Obilalé et Akakpo sont gravement blessés. J'ai très peur pour Obilalé, notre deuxième gardien. Il pissait le sang, c'est très grave.
Notre entraîneur des gardiens est blessé, notre docteur aussi. L'intendant chargé de la communication a lui aussi été gravement blessé par balles ainsi que l'entraîneur-adjoint et le chauffeur du bus. Beaucoup de monde est dans un sale état. Il y avait du sang partout, tout ça pour du football. Je ne sais même pas si nous allons jouer la CAN. Là, nous sommes à l'hôpital, nous avons été évacués du bus et escortés jusque ici par l'armée. C'est incroyable ce qui s'est passé. Tout ça pour du football."
Les derniers mots, particulièrement, sont d'un bon sens désarmant. Quant à la Confédération africaine de football (CAF), si elle admet ses préoccupations concernant les joueurs, elle vient de confirmer le maintien de l'épreuve en dépit de ces événements inqualifiables...