À peine libéré de l'affaire Tristane Banon après le classement sans suite des accusations et le renoncement de la jeune femme à se porter partie civile, - et pas encore sorti de l'affaire au civil de Nafissatou Diallo à New-York -que Dominique Strauss-Kahn est de nouveau inquiété dans un dossier bien nauséabond. Son nom a été cité plusieurs fois dans l'affaire du réseau de proxénétisme du Carlton de Lille. De nouvelles mises en examen et incarcérations épaississent le dossier.
Bunga-bunga lilloise
Le commissaire Jean-Christophe Lagarde, chef de la sûreté départementale du Nord, vient d'être mis en examen pour proxénétisme aggravé en bande organisée et recel d'abus de biens sociaux. Placé sous contrôle judiciaire, il est soupçonné d'avoir participé à la mise en relation de prostituées avec Dominique Strauss-Kahn pour des parties fines. Des "bunga-bunga", comme on dirait de l'autre côté des Alpes, qui se seraient déroulées dans des hôtels de luxe français - au Carlton de Lille donc, à l'Hôtel des Tours, au chic Murano à Paris - à Washington et à New-York.
Deux autres mises en examen inquiètent DSK : celle de l'homme d'affaire Fabrice Paszkowski et de son ex-compagne Virginie Dufour pour proxénétisme aggravé en bande organisée et escroquerie... Selon l'AFP, la justice soupçonne la société de Dufour d'avoir réglé des frais liés à trois voyages outre-Atlantique auxquels a participé le commissaire Lagarde et comprenant des rencontres avec Dominique Strauss-Kahn. Selon La Voix du Nord, des jeunes femmes présentés comme des "secrétaires" de l'entreprise dès le premier voyage les accompagnaient. Ces voyages à Washington ont été organisés en décembre 2010, février 2011 et entre le 11 et 13 mai 2011, la veille de l'arrestation de DSK à New York.
La semaine dernière, d'autres personnes ont été mises en examen dans cette affaire de proxénétisme dont David Roquet, un entrepreneur des BTP, qui a cité DSK dans son audition, avec force détails, soupçonné d'avoir participé au montage financier permettant de régler les frais liés à ces parties fines. Il est pour l'heure écroué, comme le propriétaire, le directeur et le chargé des relations publiques du désormais fameux Carlton de Lille. Eux-mêmes ont un lien avec la mise en examen début octobre en Belgique de quatre autres personnes pour des faits similaires... Vous avez dit tentaculaire ?
Selon les informations du magazine Closer - qui sortait l'affaire en exclusivité sur son site internet Closer.fr dès vendredi 14 octobre -, M., une ex-prostituée, affirme avoir été recommandée à un entrepreneur des BTP pour une soirée avec DSK au Murano au printemps 2010. Elle a raconté lors de son audition avoir été payée 900 euros au lieu des 1500 prévus et le déroulement de la soirée : chaque fille (elles étaient quatre) devait avoir une relation sexuelle. Selon elle, DSK "aurait pris une douche avec une prostituée d'origine algérienne" avant d'avoir un rapport complet avec elle, précisant : "On sentait qu'il aimait les rapports de force." Elle ne serait pas la seule à parler de DSK. La Direction du Murano a nié toute implication dans l'organisation de ses soirées.
Dominique Strauss-Kahn a demandé dès dimanche dernier à être "entendu le plus rapidement possible par les juges", en charge de l'enquête afin que "soit mis un terme aux insinuations et extrapolations hasardeuses et (...) malveillantes". Il n'a pour l'heure pas été entendu, mais cela ne saurait tarder maintenant ! En effet, d'après les déclarations des principaux protagonistes mis en examen et écroués pour la plupart, il semble certain qu'il a été, au moins, un client de ces jeunes femmes qui "vendent leurs charmes". Ce n'est pas un délit. Par contre s'il est établi (même "à l'insu de son plein gré" !) que les frais des voyages de ces jeunes femmes tant à Paris qu'à Washington ou à New-York ont été avancés par la filiale de la société Effirage et remboursés, il pourrait être mis en examen pour "recel d'abus de biens sociaux"... Mais surtout, c'est encore un terrible affront pour Anne Sinclair, qui a soutenu son homme corps et âme et financièrement. Comment le couple va-t-il pouvoir fêter sereinement leur 20 ans de mariage dans quelques semaines, le 24 novembre exactement ?
Rappelons que DSK est présumé innocent de faits qui pourraient lui être reprochés jusqu'au jugement définitif de cette affaire, ainsi que tous les protagonistes mis en cause et cités dans cet article.
Le coup de gueule d'un saltimbanque
Pour finir sur une note plus légère, cette affaire du Carlton de Lille a inspiré une lettre délicate et profondément drôle du comédien Édouard Baer. Une lettre ouverte publiée sur le site de Canal+, un coup de gueule de la part d'un "modeste saltimbanque" qui a déjà réuni nombre d'artistes à sa cause comme Harvey Keitel et Nathalie Baye. La voici dans son intégralité :
"Nous comédiens, acteurs, gens de spectacle, sommes fréquemment amenés par notre vie professionnelle à voyager à travers la France, lʼEurope ou pour les plus chanceux dʼentre nous, le monde. Nos déplacements quʼils aient pour but un tournage de film ou une représentation théâtrale, se font dans des conditions qui ne sont hélas pas à la hauteur de lʼidée que le grand public sʼen fait.
Ballotés dʼhôtels en hôtels, dans des chambres ayant déjà servi, nous débarquons tard dans la nuit, accueillis par des portiers ensommeillés qui font souvent exprès de ne pas nous demander dʼautographes...Solitaires, sans familles ou éloignés de nos femmes, pour ceux qui ont la chance dʼen avoir une, nous sommes nombreux à rêver à ces fameuses nuits agitées quʼon nous prête souvent et qui sont hélas bien loin de la réalité.
Cʼest pourquoi, suite à certaines informations lues dans la presse, nous déclarons avec amertume avoir dormi plus dʼune fois à l'hôtel Carlton à Lille sans quʼun quelconque concierge ne pense à nous solliciter en nous proposant un peu de compagnie pour la nuit.
Cette absence de tentative de racolage sur des gens manifestement en manque affectif nous semble enfreindre les lois les plus élémentaires de lʼhospitalité française.
Nous ne comprenons décidément pas pourquoi ce sont toujours les mêmes parasites qui peuvent profiter dʼun système de faveur, alors que nous, modestes saltimbanques au service de la communauté, avons tant besoin d'un peu de réconfort.
Nous réclamons donc, au nom de notre corporation toute entière, un engagement écrit sinon des pouvoirs publics du moins de lʼindustrie hôtelière, nous garantissant dorénavant un accueil à la hauteur de celui du fameux établissement lillois.
Nous ne prétendons pas nous battre pour défendre les intérêts dʼune classe trop souvent présentée comme égoïste et repliée sur elle-même, mais bien être le fer de lance dʼun mouvement appelé à être rejoint par d'autres corps de métiers en manque de tendresse.
Ce renversement dans lʼéchelle des privilèges, ce changement dans la donne, nous semblerait être un signe fort dʼalternance, une garantie de progrès dans une époque où la France a tant besoin dʼespérer."