Depuis 26 ans, l'île d'Obudai à Budapest accueille le festival du Sziget. Un rendez-vous musical qui fut d'abord destiné au public hongrois, avant de prendre une envergure internationale. Aujourd'hui, Sziget, c'est plus d'une centaine de nations représentées par les festivaliers, 63 pays différents dans la programmation la plus éclectique au monde (cela va des têtes d'affiches britanniques comme Gorillaz à un groupe de réfugiés kurdes). Sziget, c'est aussi 1000 programmes par jour, des scènes de musique, de théâtre, de cabaret, d'installations artistiques, de cirques... Nous avons testé et plongé dans cette folie qu'est Sziget. Et cela valait le déplacement en Hongrie.
Côté musique, fort d'être le 6e plus gros budget au monde dans le circuit des festivals, Sziget a aussi profité de l'absence de Glastonbury (le plus grand festival d'Europe) cette année pour s'offrir une programmation des plus séduisantes. Le premier soir, c'est Kendrick Lamar qui, malgré 40 minutes de retard, a enflammé la Main Stage. Le lendemain, Damon Albarn et son groupe Gorillaz faisaient grimper la température, après le show enivrant de Bonobo. Mercredi 10 août, Lana Del Rey a envoûté le public, après les dansants Parov Stelar et le charme anglais des Kooks. Samedi, Mumford & Sons (le groupe emmené par le chéri de Carey Mulligan) jouait en exclusivité européenne pour Sziget. Dimanche, Dua Lipa, 22 ans et un seul album à son actif, s'offrait la plus grande scène de sa carrière devant 75 000 personnes. Quelques minutes avant elle, dans un autre registre, Liam Gallagher se produisait sur fond de nostalgie brit-pop. Lundi, le DJ Kygo et l'idole des jeunes Shawn Mendes se partageaient l'affiche. Et enfin mardi, en guise de clôture, Arctic Monkeys a fait chavirer les foules.
On aura été également charmé par la douceur de Lewis Capaldi ou Lianne La Havas, revitaminé par le rap de Stormzy, étonné par celui de Desiigner, emballé par le punk offensif de Shame ou encore séduit par la palette musical de Zhu. Les Français n'étaient pas en reste, puisqu'on a notamment pu voir La Femme, Petit Biscuit, Les Négresses Vertes, Michael Calfan ou encore les jeunes gagnants du tremplin Sziget Europe Talents, Breaky Boxes.
Outre la musique, Sziget est surtout une plateforme artistique foisonnante. Errer sur l'île hongroise, c'est croiser l'art sous toutes ses formes et s'aventurer. On a ainsi assisté à une spectaculaire représentation d'un show aérien dépeignant la fin du monde sur fond de surpopulation, crise politique et écologie. Une manière d'interpeller les festivaliers et "demander le changement" aux dirigeants de notre monde. Car Sziget est engagé, à sa manière. Un certain nombre d'associations sont présentes dans le festival. Une scène, le Magic Mirror, est dédiée à la communauté LGBTQ - et pensez bien qu'en Hongrie, elle a fait grincer des dents. Au cirque du Sziget, un groupe venu du Maroc prône le vivre-ensemble et dénonce le racisme avec humour. Sous la Caravan Tent, des artistes viennent du monde entier et des contrées les plus reculées, de l'Inde aux Kurdes de Turquie en passant par l'Afrique du Sud, dans un esprit de fête inégalé. Pas étonnant que le gouvernement de Viktor Orbán ne participe qu'à 1% du budget du Sziget où, d'ailleurs, le premier ministre nationaliste n'a jamais mis les pieds.
Durant la journée, on peut également y voir des longs métrages. 120 battements par minute y a par exemple était diffusé, tout comme Transylvania de Tony Gatlif avec Asia Argento. La part-belle est également faite au cinéma hongrois. Des conférences TedX avec des débats passionnés et passionnants sont aussi organisées pendant la semaine... En bref, impossible de s'ennuyer pendant cette semaine qui, sur le papier, peut paraître longue, mais ne suffit pas pour tout faire.
Véritable expérience de vie, le Sziget s'est affirmé comme un rendez-vous culturel incontournable. Toute la jeunesse d'Europe s'y rend, la Hongrie devenant le temps d'une semaine le centre d'un continent, en oubliant les problèmes sociaux et politiques qui agitent le pays.