Sur Twitter, les "Emi", "Emi", "Emi" résonnent dans un silence digital assourdissant. Emi, c'est Emiliano Sala, porté disparu après que son avion a cessé de répondre depuis lundi soir à 20h23, alors qu'il se trouvait dans la Manche, à 24 kilomètres au nord de l'île de Guernesey.
Officiellement transféré deux jours plus tôt du FC Nantes à Cardiff City moyennant une transaction à hauteur de 17 millions d'euros, le footballeur italo-argentin de 28 ans avait quitté la Loire-Atlantique quelques minutes plus tôt après avoir fait ses adieux à ses anciens coéquipiers sous le maillot nantais, sous lequel il aura inscrit 48 buts en 133 matchs et trois saisons et demie). Il avait emprunté avec une autre personne – le pilote – un avion de tourisme vraisemblablement mis à sa disposition par le président de son nouveau club, Mehmet Dalman, qui, dans la matinée de ce terrible 22 janvier, ne cachait pas sa très grande inquiétude.
Une inquiétude partagée par tous alors que les recherches, entamées dès la soirée de lundi et reprises à 8h mardi, n'ont toujours pas porté leurs fruits, malgré la mobilisation de plusieurs bateaux et hélicoptères et la mutualisation de ressources françaises et britanniques : aucune trace de l'appareil ni de ses occupants. "Je suis sûr que quelque chose sera finalement retrouvé, a toutefois déclaré John Fitzgerald, le chef des opérations de recherche de Channel Islands Air Search, une des unités de recherche par hélicoptère mobilisées. L'avion volait à 2 000 pieds quand il est sorti du radar, ce qui lui aurait permis de voler environ cinq ou six miles (8 ou 9 km) avant de toucher le sol." Mais il s'est montré très pessimiste quant aux chances de survie d'Emiliano Sala et de l'autre passager : "Personnellement, et je ne parle que pour moi, je ne pense pas qu'il y ait la moindre chance qu'ils soient encore vivants à l'heure actuelle."
En début d'après-midi ce mardi, le police de Guernesey diffusait sur les réseaux sociaux un nouveau bilan de l'état des recherches : "Actuellement, deux avions, deux hélicoptères et un navire de secours recherchent l'appareil. Aucune trace n'a encore été repérée. Les conditions durant les recherches de nuit ont été difficiles, avec des vagues d'une hauteur de deux mètres, de grosses averses et une faible visibilité. Aujourd'hui, la mer est beaucoup plus calme, la visibilité était bonne mais c'est en train de se dégrader. Les autorités britanniques ont contacté les aéroports de la côte Sud pour voir si l'avion a atterri. Jusqu'à maintenant, pas de confirmation. Les recherches continuent. Une décision sera prise en soirée quant à la poursuite des recherches de nuit." Au dernier état des lieux, à 16h30, près de 2 000 kilomètres carrés avaient été parcourus, sans résultat.
Chaque minute doit sembler une éternité pour les proches d'Emiliano Sala, un jeune homme unanimement décrit comme adorable et généreux et un joueur qui s'est taillé une belle réputation auprès de ses confrères dans le championnat de France de Ligue 1, lesquels mettent en exergue son mental de guerrier. Interrogés par les médias argentins, Horacio et Mercèdes, les parents de l'attaquant originaire de la province de Santa Fé, étaient en état de choc : "J'ai été prévenu par un ami. Je ne sais rien. J'étais à Rosario. Je suis désespéré. J'espère que tout va bien", déclarait il y a quelques heures le papa, son épouse indiquant qu'ils se tenaient informés minute par minute de l'avancée des recherches.
Le monde du football dans son entier retient son souffle et tous ses acteurs pensent à Emiliano. L'émotion est particulièrement vive du côté du FC Nantes, qui "garde espoir (et) prie pour qu'Emiliano et les autres passagers de l'avion soient enfin retrouvés sains et saufs". Waldemar Kita, président du club, s'exprime également par le biais du même communiqué : "Je pense à ses amis, sa famille. Je suis toujours dans l'espoir, c'est un battant. Ce n'est pas fini, il est peut-être quelque part. Dans l'attente de nouvelles que nous espérons positives, nous sommes très touchés par tous les soutiens reçus depuis ce matin", a-t-il déclaré. "C'est un garçon poli, gentil, adorable, adoré par tout le monde. Il était toujours très respectueux, très courtois. Je suis toujours dans l'espoir que ce n'est pas fini et qu'il est quelque part. Sincèrement, c'est un garçon adorable", avait-il déjà réagi un peu plus tôt.
Il y a un mot qui le définit, c'est l'altruisme. C'est une personne spéciale dans le milieu du foot
Nombre de ses anciens partenaires à Caen et à Nantes ont témoigné publiquement leur angoisse et de leur détresse, à l'image de Yacine Bammou, qui était en larmes en évoquant auprès du site lequipe.fr leur dernière conversation via Facetime, il y a deux jours. "Il y a un mot qui le définit, c'est l'altruisme. Sur et en dehors du terrain. C'est une personne spéciale dans le milieu du foot", a dit pour sa part un autre ex-coéquipier caennais, Felipe Saad, résumant bien l'avis général. "C'est un mec tellement bien, Emiliano, a également réagi l'ancien Bleu Willy Sagnol, qui entraîna Sala aux Girondins de Bordeaux, où il fut formé. C'est la gentillesse, la générosité incarnée. Comment vous dire ce qu'il est ? Un mec bien, travailleur tout simplement. C'est un gagneur."
Les joueurs nantais ont vu leur entraînement du jour annulé (tout comme ceux de Cardiff) et leur match de Coupe de France face à Sannois-Saint-Gratien repoussé à dimanche, tandis qu'un rassemblement spontané à l'appel des supporters doit avoir lieu dans la soirée, place Royale.