Kelly Bochenko a été, malgré elle, au coeur de l'un des plus gros scandales Miss France. Celle qui a été élue Miss Paris 2009 et qui a participé à Miss France 2010 a vu le magazine Entrevue publier des photos d'elle dénudée fin 2009. Des clichés pris quatre ans auparavant par un photographe mal intentionné. La maman de Diane (née en 2016) et Karl (né en 2018) a accepté de se confier sur le sujet pour la première fois depuis dix ans, auprès de Purepeople.
Pouvez-vous nous rappeler ce qu'il s'est passé ?
Beaucoup de personnes pensent que j'ai posé pour Entrevue, alors que ce n'est pas le cas. En fait, j'ai été élue Miss Paris 2009 et j'ai participé à l'élection Miss France remportée par Malika Ménard. Pendant ce temps, Entrevue préparait dans mon dos, avec le photographe qui m'avait prise en photo chez lui, le numéro avec les fameuses photos de moi dénudée. Tout s'est fait sans que je le sache. Il a vendu les photos, tout ça pour se faire 3 000 euros. Ça a fait scandale à l'époque. J'ai été destituée et j'ai subi un lynchage en règle.
Comment l'avez-vous vécu ?
Comme vous pouvez l'imaginer, je l'ai très mal vécu. Personne n'est préparé à ça. J'ai perdu tout discernement, j'étais en panique, j'étais effondrée. En plus de cela, j'ai été très mal entourée, mal conseillée. J'ai pris le premier avocat qu'on m'avait recommandé, mais qui n'était absolument pas spécialisé sur ces questions de droit à l'image. J'ai été très mal défendue. Au début, j'ai défendu plusieurs versions contradictoires parce que j'avais honte. J'ai dit que ce n'était pas moi sur les photos, que c'était un montage ou que c'était un ancien petit ami... Je ne comprenais pas ce qu'il m'arrivait, car les photos avaient été prises quatre ans auparavant. J'avais 19 ans à l'époque.
Pourquoi avoir décidé de vous exprimer sur le photographe responsable des photos dix ans après ?
À l'époque, je ne savais pas me défendre parce que j'avais honte. Ça a été un cheminement très long pour moi. Quand le scandale est sorti dans la presse, une association est entrée en contact avec moi : Casting info service. Elle dénonce tous les abus du monde du spectacle et est présidée par James Chabert. Il est aussi président du syndicat des Mannequins professionnels associés à Paris. Il est entré en contact avec moi, car il défendait une jeune femme qui avait été victime du photographe en question. Quand je l'ai rencontrée, je me suis rendu compte que j'avais eu affaire à un prédateur, c'était dur à encaisser. L'auteur de mes photos était un mec qui était habitué à faire ce genre de choses. C'est un pervers, il a fait plus que du détournement de photos et donner des directives sexuelles, ce qu'il a fait avec moi. Donc James Chabert s'occupe de recueillir le plus de témoignages possible de toutes les victimes en France, mais c'est compliqué.
Pour quelle raison ?
Il y a une omerta dans le milieu du spectacle ou du mannequinat. Les filles ont peur d'être blacklistées par la suite ou de ne pas être prises au sérieux. C'est notamment pour ça que je n'ai jamais vraiment voulu parler. Après, mon avocat a un peu abandonné le dossier. Il m'avait conseillé de faire La Ferme célébrités en Afrique [en 2010, NDLR], chose que j'ai faite. Ensuite, j'ai un peu été lâchée dans la nature. On m'avait promis monts et merveilles, on m'avait promis qu'on m'aiderait... Mais ça ne s'est pas passé comme ça. J'ai donc décidé de tirer un trait sur tout ça. Mais ces derniers temps, avec toutes les affaires qui sortent ou sont sorties comme celles de Flavie Flament ou Sarah Abitbol, ça a été une deuxième salve de coups qui venait à moi. Donc j'ai décidé de parler pour les autres. En plus, le photographe continue de sévir. Donc l'affaire est en cours.
Vous avez expliqué sur Instagram qu'il avait mis quelque chose dans votre verre... Pouvez-vous nous raconter ?
Il m'a complètement manipulée et j'ai écouté, car il me faisait peur. Je me rappelle que je suis sortie complètement groggy de cette séance qui s'était déroulée chez lui. Je ne sais pas s'il a vraiment mis quelque chose dans mon verre. Mais quand je repense au fil des événements, j'ai un doute. Je me rappelle qu'un jus m'a été proposé par exemple. L'enquête dira si je me trompe, on verra son mode opératoire. Je n'ai pas refait de séance après ça, ça m'a traumatisée. Tout ce que je peux dire, c'est que c'est un photographe de Paris.
Es-tu en contact avec d'autres de ses victimes ?
Oui, mais pas avec toutes, car certaines ont peur de parler. Elles sont effondrées, car il est allé plus loin avec certaines. Et il y a toujours cette honte, cette culpabilité. Même moi, à l'époque, je me suis demandé si je l'avais provoqué. On se dit que ça vient de soi. Mais c'est juste une mauvaise rencontre que j'ai faite. Donc je veux parler pour libérer la parole, c'est important. On peut se sortir de choses difficiles, c'est le message que je fais un peu passer sur Instagram.
Avez-vous eu des témoignages d'autres Miss à qui ça a pu arriver ?
Oui, mais je ne peux pas donner de noms. Je précise juste qu'il y a notamment une fille de mon année. Quand mon histoire est sortie, elle m'a raconté qu'il lui était arrivé un souci quand elle avait 15 ans, lors d'une séance photo. Mais en ce qui me concerne, j'ai donné le bâton pour me faire battre. Avant de participer à Miss Paris, j'ai appelé le photographe pour lui dire que je me souvenais de notre séance photo et je lui ai demandé de supprimer les clichés, car il y avait le scandale Valérie Bègue qui était sorti quelques mois plus tôt. Mais il a éclaté de rire au téléphone et il m'a dit que jamais il ne supprimerait les photos, car c'était son travail. Il a même déjà dit que les photos étaient un coup monté entre lui et moi.
Comment réussit-on à vivre et à avancer malgré tout cela ?
Tous les mois, des internautes que je connais ou pas me disent qu'à ma place, ils auraient tenté de mettre fin à leurs jours. Et plein de personnes de mon entourage avaient peur que je fasse cette erreur, car j'étais très fragile. Mais je veux vraiment faire passer le message qu'on peut se remettre de choses difficiles. Bien sûr que j'étais effondrée, au fond du trou, je ne pouvais plus vivre normalement, mais ce qui est important, c'est que cet état est passager. Je m'en suis remise, je suis devenue maman... J'ai fait de cette épreuve une force. Je veux transmettre ça à mes enfants. La vie est une jungle, les gens peuvent te piétiner, mais on peut s'en sortir.
Avec ce que vous avez vécu, comment tentez-vous de les armer face au monde qui les entoure, notamment votre fille Diane ?
C'est vrai que si, dans quinze ans, Diane me dit qu'elle veut faire des photos ou faire les Miss, je lui dirai que ce n'est pas possible. Karl est petit encore, mais je parle énormément à Diane, avec des mots d'enfants bien entendu. On a une relation fusionnelle. Je veux qu'elle ait une jolie enfance, mais pas que ce soit le monde des Bisounours. Il faut qu'elle sache qu'il y a de la cruauté dans ce monde, c'est important. Je suis en train d'écrire un livre, et c'est aussi pour mes enfants. Pour leur montrer la vérité. Je veux aussi que ma parole serve à d'autres. Ce milieu a changé, il est devenu pourri.
Avez-vous peur que, plus tard, vos enfants tombent sur vos photos ? Comment leur expliquerez-vous cela ?
Ma parole qui se libère est là pour expliquer les choses. D'ici à ce qu'elle découvre les photos, j'aurais beaucoup parlé de mon histoire telle qu'elle s'est vraiment passée, donc ça ne me fait pas peur.
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