Beaucoup se seront demandés, au cours des dernières années, emplis d'une admiration toute empathique, comment Roland Giraud est parvenu à endurer l'épreuve qui lui a été imposée : la perte d'une fille, enlevée à son affection paternelle par un assassin...
Soulagé, il y a quelques semaines, lorsque Jean-Pierre Treiber, le principal suspect dans l'affaire du double homicide de sa fille Géraldine et de son amie Katia Lherbier, a été appréhendé après une rocambolesque évasion et une improbable cavale, Roland Giraud est un homme qui vit dans la foi : la foi dans son activité d'homme de spectacle, la foi dans son intimité d'homme croyant. Lorsque ces deux modalités se rejoignent, cela donne... Bonté divine, une pièce de Frédéric Lenoir et Louis-Michel Colla que le comédien a donnée avec bonheur à Paris lors de la rentrée théâtrale 2009, avec succès pendant sept mois.
A l'occasion du passage de cette réflexion en robe spirituelle et liturgique, non dénuée d'humour, sur les planches du Théâtre du Léman, pour laquelle ce protestant enfile la soutane d'un prêtre catholique (les autres rôles - rabbin, imam, et bonze bouddhiste - sont tenus par Jean-Loup Horwitz, Saïd Amadis et Benoît Nguyen Tat), le comédien a fait part de ses commentaires au quotidien La Tribune de Genève. "La foi est essentielle. Je conseille d'ailleurs à tout le monde de se plonger dans la Bible le plus souvent possible. Il y a tout dedans ! Le message christique donne une certaine dimension aux relations humaines. Aime-ton prochain comme toi-même : qu'est-ce qu'il y a de supérieur à ça ?", s'exalte-t-il, tempérant aussitôt le propos en récusant tout prosélytisme : "Nous ne donnons pas une leçon de catéchisme. Au début de la pièce, nous rafraîchissons un peu les mémoires sur les trois religions, qui, à l'origine, avaient toutes le même patriarche, Abraham, et le même Dieu..."
Ce spécialiste notoire des comédies populaires, qui s'est accroché à sa foi depuis le drame de 2004, a trouvé avec Bonté divine, qui "fait le lit de la tolérance religieuse et de l'oecuménisme", un objet littéraire en adéquation avec la dimension qu'il souhaitait explorer : "C'est la première fois de ma vie que j'accepte un rôle aussi vite. Au bout d'une heure, j'ai su que je participerais à cette aventure !", commente-t-il.
Le succès ne se dément pas, à en juger d'après les témoignages des spectateurs après le tomber de rideau : "Un peu comme après la messe. On serre la main du curé après son sermon..." Analyse de l'intéressé : "On ne parle pas de pédophilie, de Madoff ou de violence, on parle de ce qui nous élève. Contrairement à l'intégrisme, qui les sépare, la religion relie les gens".
Puisse sa béatification artistique se poursuivre sereinement... Quant à son chemin de croix de père bafoué, c'est désormais à la justice des hommes de lui faire grâce.
G.J.