
Triste anniversaire et triste Saint-Valentin pour Roland Giraud. Pendant des années pour l’inoubliable Hermann Spontz du film Papy fait de la résistance (1983), le 14 février était synonyme d’amour et de bougies soufflées en famille. Cette année, il est seul face à ses souvenirs, les deux femmes de sa vie ayant quitté notre monde. Il y a trois semaines, Maaike Jansen, son épouse depuis 1966, s’éteignait à 83 ans, à Sens, dans ce département de l’Yonne qu’elle aimait tant. Actrice à l’impeccable tempo comique, Maaike a été victime d’un cancer. Elle avait coutume d’appeler tendrement Roland "mon fiancé et néanmoins mari". À Paris, ils avaient longtemps habité dans des appartements séparés mais proches, dans le quartier de la Butte Montmartre. Chaque matin, Maaike Jansen recevait une lettre d’amour de Roland.
Mais il y a vingt-et-un ans, le couple affrontait la pire épreuve que peuvent connaître des parents : la perte d’un enfant. Une fille unique qui plus est. Le premier week-end de novembre 2004, Géraldine Giraud, 36 ans, et sa compagne Katia Lherbier, 32 ans, se reposent dans la propriété familiale de La Postolle, près de Sens. Au bout de quelques heures, comme elles ne donnent plus signe de vie, leurs proches s’inquiètent et signalent leur disparition. Dans la nuit du 9 au 10 décembre, à Château, un hameau situé près de Villeneuve-sur-Yonne, leurs deux corps sont extraits du puisard de Jean-Pierre Treiber, un ancien garde-forestier de 41 ans. Géraldine gît en sous-vêtements. Katia, dénudée, enveloppée dans une couverture.

Interpellé le 23 novembre, Jean-Pierre Treiber se trouve en possession des cartes bancaires des victimes qu’il a utilisées. Devant la police et le juge d'instruction, le suspect, emprisonné et mis en examen pour "assassinats", niera toujours les faits. Il assure que Géraldine et Katia lui ont gracieusement remis leurs cartes bancaires, avant d'organiser leur disparition volontaire. Il affirme en outre qu'il ne sait pas comment les corps ont pu se retrouver dans le puisard de son jardin et met les enquêteurs sur la piste d'autres suspects. Pourtant, sur les corps des victimes sont découverts des résidus de chloropicrine, un produit utilisé par les chasseurs. "L'étau se resserre sur M. Treiber, parce qu'il est chasseur et qu'il sait se servir de ce type de produit difficile à utiliser", déclare une avocate de la partie adverse.

Le 8 septembre 2009, l’impensable se produit : celui que la presse surnomme alors "l'homme des bois" s'évade de la maison d'arrêt d'Auxerre où il est détenu, caché dans un carton qui est ensuite chargé dans un camion de livraison ! Il bénéficie de l’aide de complices qui l’hébergent dans des appartements. Deux mois et douze jours après, il est repris. Avant un ultime coup de théâtre. Le 20 février 2010 à 7h15, Jean-Pierre Treiber est retrouvé pendu dans sa cellule de la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis (Essonne), où il était détenu en quartier d'isolement depuis son arrestation.

Un message est alors découvert dans sa cellule : “J'en ai marre d'être pris pour un assassin et privé de ceux qui me sont chers. […] La vie ne m'a rien pardonné ce que je regrette. JP”. Selon la radio France Info, “Jean-Pierre Treiber avait à plusieurs reprises fait part de ses intentions suicidaires. Il ne disposait cependant pas du kit de protection mis en place à l’été dernier par le ministère de la Justice, qui contient notamment des draps et couvertures indéchirables et des pyjamas en papier à usage unique pour éviter les pendaisons.”
Deux mois plus tard, le 19 avril 2010, le procès de l’affaire Géraldine Giraud-Katia Lherbier ne dure qu'une trentaine de minutes. Ne pouvant asseoir un suspect sur le banc des accusés, la cour d’assises de l’Yonne classe sans suite l'affaire du double meurtre. Et, malheureusement, toutes les familles de victimes le savent : tant que les circonstances d’un décès ne sont pas clairement établies, il est impossible de faire correctement son deuil. À l’époque, contactés par RTL, Roland Giraud et Maaike Jansen lui avaient communiqué ce SMS : "Les graves négligences, irresponsabilités et incompétences qui ont abouti au suicide de Treiber ne sont qu'une nausée qui s'ajoute à notre souffrance sans fin." Vingt ans plus tard, cette nausée n’est toujours pas dissipée.