Tandis que l'affaire Bettencourt ajoute quelques chapitres à sa saga, entre les ruades de l'octogénaire milliardaire contre sa tutelle et le passage derrière les verrous de François-Marie Banier et son compagnon, l'affaire Wildenstein, autre scandale fiscal et judiciaire à durée indéterminée, revient dans l'actualité. Mieux, il crève l'écran, littéralement.
France 3 proposera en effet, ce mercredi 4 janvier à 23h05, un numéro du magazine Pièces à conviction dédié aux tribulations de la plus célèbre dynastie de marchands d'art française : L'incroyable trésor caché des Wildenstein. Le titre du reportage, signé de la journaliste Magali Serre au prix d'un travail d'investigation de trois années, fait explicitement référence aux derniers événements en date, notamment la découverte en janvier dernier d'une trentaine d'oeuvres d'art déclarées disparues ou volées dans le fief de la famille au coeur de Paris, rue de la Boétie. Et sa diffusion, par un "heureux" hasard, coïncide avec la révélation ce jour par le magazine Le Point de nouveaux éléments - un "pacte secret" - à charge pour Guy Wildenstein (voir plus bas), déjà objet d'une mise en examen.
Une succession... de problèmes
Véritable empire qui prend racine à la fin du XIXe siècle, dans la galerie parisienne de son grand-père Nathan perpétuée par son père Georges, transformée en vitrine majeure du monde de l'art par feu Daniel Wildenstein, collectionneur charismatique, l'institution Wildenstein est en pleine errance depuis la mort de son capitaine en 2001.
A sa mort, Daniel Wildenstein lègue son activité et son patrimoine à ses fils, Alec (décédé en 2008) et Guy, lesquels évincent la dernière épouse de leur père, Sylvia Roth-Wildenstein, de la succession, lui faisant accroire que son mari était ruiné afin d'obtenir de sa part la signature d'un renoncement à l'héritage. Devenue suspicieuse au fil du temps, Sylvia Roth avait matérialisé ses présomptions en une action en justice. "On m'a trahie, on m'a volée, on m'a escroquée ! A peine mon mari était-il mort que mes beaux-fils m'ont fait croire qu'il était ruiné, que j'allais être poursuivie par le fisc. On m'a fait des signer des papiers pour que je renonce à l'héritage, on m'a pris mes chevaux [aujourd'hui aux soins de l'entraîneur Jean-Paul Gallorini, NDLR]...", clamait-elle alors. Emportée en novembre 2010 par le cancer, son action n'aura toutefois pas été vaine, puisque ses suites se jouent encore aujourd'hui, et que son avocate Me Claude Deumont-Beghi ne lâche pas le cas Guy Wildenstein, membre du Premier cercle des donateurs de l'UMP et décoré de la Légion d'honneur en 2009, mis en examen dans le cadre de l'instruction. Car les plaintes que Syvia Roth avait eu le temps de déposer avant de partir, pour "abus de confiance", "corruption active et passive", "trafic d'influence", "blanchiment", organisation frauduleuse d'insolvabilité", "faux et usage de faux", instruites par les juges d'instruction du TGI de Paris Guillaume Daieff et Serge Tournaire, avaient eu pour conséquence la mise à jour de pratiques douteuses, avérant notamment les présomptions d'évasion fiscale via l'existence de trusts hébergés dans des paradis fiscaux, et la découverte d'un incroyable trésor de guerre, une caverne d'Ali Baba.
Une perquisition - la deuxième en trois mois - menée en janvier 2011 par les policiers de les policiers de l'OCBC sur mandat du juge Yves Dando avait ainsi permis de découvrir dans les locaux de l'Institut Wildenstein, au 57 rue de la Boétie, "entassés du sol au plafond, plusieurs centaines de tableaux et sculptures", dont "une trentaine d'oeuvres déclarées disparues ou volées, que les enquêteurs ont immédiatement saisies". Parmi elles, trouvée dans le coffre de Guy Wildenstein, une huile de l'impressionniste Berthe Morisot, évaluée à 800 000 euros : Chaumière en Normandie. Elle avait disparu lors de la succession en 1993 d'Anne-Marie Rouart et Yves Rouart, son descendant, soupçonnait un tour de passe-passe frauduleux des exécuteurs testamentaires désignés par sa tante : Olivier Daulte et Guy Wildenstein. Sa plainte contre X pour recel était bientôt rejointe par d'autres, et Guy Wildenstein se retrouvait mis en examen pour recel d'abus de confiance... L'instruction suit son cours.
Un document explosif révélé par "l'autre veuve", Liouba
Et une nouvelle pièce vient d'être versée au dossier, a priori aussi inattendue que compromettante. Liouba, "jeune et jolie veuve" d'Alec Wildenstein, pour reprendre les termes de lepoint.fr, révèle un pacte secret pour le moins douteux... L'ancienne compagne du défunt fils aîné de Daniel Wildenstein, qui a toujours soutenu Sylvia Roth dans sa bataille contre les fils de feu son mari, avait jeté un pavé dans la mare en début d'année, déclarant aux enquêteurs : "Depuis le début, le fils d'Alec fait pression sur moi avec son oncle Guy pour que je renonce à la succession de mon mari, ou que j'hérite le moins possible (...) je suis aujourd'hui en grande difficulté financière car je ne reçois aucun revenu des trusts de la famille Wildenstein."
Et pour cause : en 2008, lorsque meurt son époux Alec, Liouba hérite d'une succession avec... une dette fiscale de 5 millions d'euros à payer. Une ardoise impossible à régler pour la jeune femme, qui dispose pourtant de plusieurs millions d'euros via des trusts hébergés à Guernesey (Louve Trust) et aux Iles Vierges (Drawdale Trust), comme elle l'avait déjà indiqué au juge. Sauf qu'elle n'en a absolument pas la jouissance, étant soumise "au contrôle du protecteur du trust, Peter Altorfer, un avocat suisse proche de Guy Wildenstein", explique Le Point. Et son beau-frère va en profiter pour lui proposer un petit arrangement secret, un pacte secret dont Liouba a remis au printemps dernier la copie au juge Daieff, en charge de l'instruction pour abus de confiance et blanchiment dans le cadre de la succession Wildenstein !
Le Point explicite ledit pacte en ces termes : "Plutôt que de lui donner libre accès à ce magot, son beau-frère lui propose un arrangement. Il lui octroie onze prêts contractés devant notaire pour environ 1 million d'euros. Avec une contrepartie secrète. Liouba s'engage à rembourser Guy avec l'argent du Drawdale Trust, dont son beau-frère a fait rouvrir le robinet. Un moyen pour le marchand d'art de récupérer de l'argent dans le dos du fisc français. Le paiement se fait par un circuit opaque : les sommes prélevées du trust sont virées sur un compte suisse puis repartent vers les États-Unis. Un mécanisme que Liouba Wildenstein a expliqué au juge tout en lui remettant un exemplaire du pacte secret, qui tient sur une page."
Vers une nouvelle mise en examen ?
Le newsmagazine complète : "Interrogé sur ce document, Guy Wildenstein aurait expliqué lors de son audition qu'il s'agissait d'une traduction de l'acte notarié officiel qui compte au total une dizaine de pages. Le retour de la commission rogatoire demandée par le juge pour enquêter en Suisse pourrait prochainement déboucher sur la mise en examen de l'héritier pour "recel de blanchiment de fraude fiscale"."
Son cas ne s'arrange pas...