Jusqu'alors, tout allait pour le mieux. Madonna, apparue en impératrice antique sur son char monumental, conduisait avec maîtrise et tonus la grand-messe du halftime show du Super Bowl XLVI. La grande prêtresse s'acheminait sans accroc vers la fin des douze minutes chronométrées de son office sensationnel, quand, à quelques secondes de la huitième minute, une de ses ouailles décida de lui voler la vedette...
Le doigt du déshonneur
Ce lundi 6 février 2012, les médias américains ne parlent que de cela (de cela, et de la victoire in extremis des Giants de New York) : le doigt d'honneur de M.I.A.. Comme attendu, Madonna avait convié ses deux partenaires du nouveau single Give Me All Your Luvin' pour l'interpréter en live dans le cadre du show à la mi-temps de l'événement le plus regardé par l'Amérique (111 millions de téléspectateurs aux Etats-Unis hier soir) : Nicki Minaj et M.I.A. De parfaites petites pestes de la scène musicale actuelle, qui faisaient pour l'occasion de parfaites cheerleaders tendance empire romain ou Egypte ancienne - le spectacle proposé par Madonna s'est superbement ingénié à mêler imagerie antique et modernité, amalgamant tabliers antiques et survêt', anges jouant de la lyre et street dance... Cheerleaders, c'est déjà le rôle qu'elles tenaient dans le clip de Give Me All Your Luvin', signé des Frenchies de Megaforce et dévoilé quelques heures à peine avant le Super Bowl. Sauf que dans le clip, M.I.A. gardait ses doigts dans ses pompons.
Sur la scène montée en huit minutes au centre du Lucas Oil Stadium d'Indianapolis, la Britannique entonne son couplet. Et l'achève sur un retentissant "I don't give a shit", assorti d'un majeur fièrement brandi. Le système de léger différé qui devait permettre à la NBC, chaîne retransmettant l'événement, de filtrer ce genre de dérapages (une séquelle du Super Bowl XXXVIII - 2004 - et du sein de Janet Jackson), n'a pas rempli son office, et l'image s'est brouillée une bonne seconde trop tard. Tout le monde a donc vu ce doigt d'honneur. Sur le site officiel de la NFL, un journaliste déplore : "De toute la pompe et l'extravagance du show de Madonna à la mi-temps du Super Bowl, le majeur tendu de M.I.A., à lui seul, risque fort d'être le moment qui restera le plus dans les esprits." Cela a-t-il perturbé les New England Patriots de Tom Brady, qui, en dehors d'un touchdown dès la reprise, n'ont plus inscrit le moindre point dans la seconde période et se sont fait dépasser par les New York Giants d'Eli Manning à 58 secondes du buzzer ?
Une bad girl, un bug et des excuses...
Le scandale est né instantanément. Car, chaque année depuis 2004 et l'affaire Janet Jackson, qui avait dévoilé un sein aux yeux de l'Amérique à la fin de son numéro avec Justin Timberlake, le halftime show est marqué à la culotte. On y épie le moindre dérapage, et Madonna avait juré en amont qu'il n'y aurait pas de "wardrobe malfunction" (d'incident vestimentaire) lors de son passage. De fait, si elle se fait déshabiller plusieurs fois au cours de son show, la manière dont les zouaves de LMFAO lui dégraffèrent quelques instants plus tôt son tablier fut particulièrement chaste.
Le geste obscène de la Britannique et l'échec à le censurer ont obligé la chaîne NBC à présenter instamment ses excuses : "Nous présentons nos excuses pour le geste inapproprié qui est passé à l'antenne durant la mi-temps. Il s'agissait d'un geste imprévu et notre système de différé l'a repéré trop tard." Un porte-parole a déclaré que M.I.A. n'avait pas osé ce geste lors des répétitions - la maligne ! -, que rien n'invitait à penser qu'elle le ferait, et qu'une telle attitude était "très décevante". Rien, sinon l'habitude de choquer que la Britannique cultive depuis des années. Rien, sinon l'humeur de son single Bad Girls, dont le clip signé Romain Gavras venait d'être révélé, et où elle chante "Live fast/Die young/Bad girls/Do it wild". Elle a joint le geste à la parole. Et vient d'écorner encore un peu plus l'image déjà tumultueuse d'une artiste loin d'en avoir fini avec sa quête de crédibilité.
Le grand M, c'est celui de Madonna, pas celui de M.I.A.
Le duo dingo LMFAO s'est mieux comporté, presque intimidé pour son medley Party Rock/I'm Sexy and I Know It après le Vogue initial de Madge, de même que Cee Lo Green, qui, un coup centurion et un coup pasteur en robe de gospel, a bien aidé Madonna à emballer le final sur Like a Prayer. Seule M.I.A. a eu le mauvais goût de voler la vedette à... la vedette de la soirée. Mais personne ne s'y méprendra : entre une wannabe queen qui se fait remarquer avec ce qu'on appellera son "Give Me All Your Finger" et une véritable Queen of Pop qui disparaît dans un écran de fumée en laissant derrière elle le message scintillant "World Peace" ("paix mondiale"), on sait très bien qui est la star. Avec un grand M.
G.J.