Michael Jackson, Lorant Deutsch, Albert Camus... : Découvrez tout sur l'inclassable Michel Lafon, le ''monsieur best-sellers'' !

Le milieu de l'édition est en crise, entend-on souvent. Pour Michel Lafon, les choses ne vont pas si mal malgré le contexte économique, bien au contraire. L'éditeur qui a créé sa maison en 1980 peut se targuer des excellents résultats de ses livres en 2009. Un succès sur lequel revient L'Express, afin d'en savoir plus sur ce "monsieur best-sellers". Extraits.

L'an passé, Le livre de l'acteur Lorant Deutsch, Métronome, a été vendu à 200 000 exemplaires selon Michel Lafon. L'homme est d'autant plus fier que rares sont ceux qui auraient tout parié sur cette histoire de France à travers les métros parisiens. Lafon, lui, a écouté l'érudit loufoque qu'est Lorant sur le plateau de Marc-Olivier Fogiel et décide d'éditer son livre.

Cet ouvrage s'inscrit donc dans la collection de Michel Lafon, qui regroupe les oeuvres de Rika Zaraï (Médecine naturelle, 2 millions d'exemplaires), la republication opportune de la biographie de Michael Jackson (Moonwalk), quelques mois après son décès ou encore la maladie d'Annie Girardot dans Annie, te souviens-tu...

D'où vient ce drôle de patron, éditeur de livre cheaps pour les uns, ou de best-sellers pour les autres ? Michel Lafon commence avec une licence de psychologie, devient monteur à l'ORTF, organisme qui fut en charge du service public de l'audiovisuel puis travaille en tandem avec le débutant Michel Drucker, puis avec Maritie et Gilbert Carpentier, les producteurs artistiques d'émissions françaises de variété. Le papier et les mots l'attirent et, avec un carnet désormais bien rempli, il se lance dans le journal Podium. Sa rencontre avec Claude François change tout : il s'associe avec lui et permet aux ventes d'exploser.

L'arrivée dans le monde des livres ne tarde pas. Il dirige le département jeunesse d'Hachette mais son âme d'entrepreneur prend le dessus. Il crée sa maison d'édition, portant son nom, mais a besoin d'argent. Il mise sur Julio Iglesias qu'il a convaincu d'écrire ses mémoires : "Le frère de Julio qui s'occupait de ses affaires me dit : 'Maintenant, on va parler d'argent. C'est 100 000 dollars ou rien.' C'était une somme colossale [...]. Je suis allé voir le grand éditeur espagnol Planeta. Je lui ai proposé les droits du livre en espagnol. Pour 100 000 dollars. Ils ont accepté, j'ai envoyé le chèque et j'ai pu créer ma maison."

Le businessman se prépare alors à publier une foule de best-sellers que certains diront ringards : Linda de Suza (La Valise en carton, 1,3 millions d'exemplaires), Jean-Luc Lahaye (Cent Familles), Raquel Welch, qui "le ruine avec ses allers-retours Paris-New York en Concorde". Toutefois, et même s'il ne partage aucunement leurs convictions, il travaille aussi avec Jean-Marie Le Pen (Fier d'être Français) ou Ron Hubbard, le père de la Scientologie.

Avant tout, Michel Lafon cherche à publier ce qui est populaire et les phénomènes de société. Il vise un public large qui "n'a pas forcément de bibliothèque", d'où l'idée ingénieuse de faire "des livres qui tiennent debout", avec des couvertures cartonnées. Ces choix éditoriaux lui permettent de faire fortune et il "rachète l'hôtel particulier de Salvador Dali, roule en Jaguar". Il a des amis bien placés comme Michel Drucker, Jean-Pierre Foucault et Laurent Ruquier. Ceux-ci écrivent dans sa maison, et, échanges de bons procédés doublés d'amitié, parlent de ses livres dans leurs émissions.

"L'édition c'est du poker", dit-il, mais il faut avouer qu'il a du nez. Il s'attaque aux destins de vrais gens comme Je vous demande de mourir de Vincent Humbert sur l'euthanasie, vendus à 200 000 exemplaires. Il a déjà mis une option sur le majordome de Saddam Hussein et sur la belle-soeur de Ben Laden. Michel Lafon aime les sujets forts comme le témoignage de la fillette yéménite mariée de force et publie également des manuels scolaires destinés aux écoliers du Sénégal ou de la Côte d'Ivoire.

Twilight cartonne dans les librairies, Michel Lafon va aussi sur le champ de bataille de la littérature romantico-épique en publiant la saga des Chevaliers d'émeraude de la Québécoise Anne Robillard. Ce domaine littéraire est réservé à sa fille, Elsa Lafon, 29 ans, qu'il considère "comme un gage de pérennité" pour sa société.

Récent coup d'éclat : la publication d'un beau livre sur Albert Camus signé par sa fille Catherine. L'éditeur historique de l'auteur est Gallimard, et il n'est pas ravi de voir une oeuvre sur Camus publié par Michel Lafon, édition dont l'image reste "bas de gamme". Mais les ventes sont au rendez-vous : 11 000 exemplaires pour le premier tirage qui est parti comme des petits pains. Michel Lafon est partout, inclassable, marginal et tellement rentable.

Retrouvez la totalité du portrait dans L'Express du 21 janvier 2010