Il y a bien longtemps que Nicolas Anelka n'est plus simplement un joueur de foot. Il a dépassé ce stade-là. Buteur buté, dont le parcours dans le monde du foot est fait de pointillés, de ratures et de signatures, il fait surtout figure désormais, dans la pensée collective, d'objecteur de conscience notoire, éventuellement iconoclaste.
Sa parole - médiatique - est rare, mais quand il la prend, il parle clair et cash. C'est, de ce point de vue, ce qu'on appelle un bon client, qui paye rubis sur l'ongle en propos sans ambages, et son interlocuteur en a pour son argent. Des versements sonnants et trébuchants comme monnaie d'échange de ses longs silences.
D'ailleurs, il suffit qu'il s'exprime pour qu'Anelka "brise le silence". Une effraction qui rime avec confiance. C'était le cas en 2010, après le fiasco moral et sportif du Mondial de Knysna, et en 2012, à l'occasion de son aventure avortée d'entraîneur-joueur à Shanghai, lorsqu'Arnaud Ramsay recueillait ses confidences pour le JDD. C'est le même Arnaud Ramsay, journaliste qui a sa confiance précisément, qui lui offre ce 4 avril 2014 une tribune dans le quotidien Metronews, dont l'ex-Parisien/Gunner/Merengue/Citizen/Blue (entre autres) fait même la une... en homme, simplement. Pull col V, lunettes, barbe drue et regard soutenu, le "bad boy du foot français" se montre prêt à parler de tout sans retenue, de vieilles querelles (son clash avec Raymond Domenech) en récentes quenelles.
Un homme libre à la parole libérée
De fait, cet entretien à découvrir en intégralité dans Metronews (édition du 4 avril 2014) et en ligne débute directement dans le vif du sujet : l'affaire de la quenelle, geste qu'il a emprunté à son ami Dieudonné pour célébrer un but marqué en Premier League le 28 décembre 2013 sous les couleurs de West Bromwich Albion. Revisitant la chronologie des événements, du moment initial à son départ du club en passant par le procès que lui a intenté la Fédération anglaise de football, Nicolas Anelka réaffirme que son geste n'avait aucune intention autre qu'une dédicace à son ami Dieudonné, devenu même "un frère". Et de régler au passage quelques comptes avec ceux qui, politiques en tête, lui sont tombés dessus, à l'instar de Manuel Valls et Valérie Fourneyron, alors respectivement ministres de l'Intérieur et des Sports.
Un scandale faisant écho à un autre, Anelka reparle avec Arnaud Ramsay de l'épisode Knysna et des insultes proférées au sélectionneur Raymond Domenech lors de la Coupe du Monde en Afrique du Sud - "pas les mots mentionnés à la une de l'Equipe", insiste-t-il une fois de plus. "Conséquence" directe d'une discussion que les deux hommes avaient eue à Londres, selon lui, il reproche à l'intéressé de n'en "avoir fait qu'à sa tête", au détriment de tous. "Quand je l'entends se poser en victime, ça me fait tellement rire ! Mais bon, pour vendre son livre [un témoignage à charge contre les joueurs de l'équipe de France, NDLR], il devait bien faire du sensationnel ! J'ai insulté dans un vestiaire un coach que tout le peuple français insultait déjà, un coach qui n'a jamais rien gagné à part un titre de champion de D2 et le Tournoi de Toulon ! Il ne connaît pas la gagne. Je respecte l'homme car je pense que c'est une bonne personne mais je n'ai aucun respect pour l'entraîneur (...) Cette Coupe du monde n'est pas une cicatrice et j'assume tout ce qu'il s'est passé. Si je devais le refaire, je le referais car il le méritait à ce moment-là ! Un coach qui demande le respect mais qui est incapable de respecter le meilleur buteur de l'histoire du football français (Thierry Henry, Ndlr) ne mérite aucun égard", explicite-t-il, non sans contradictions, mais sans l'ombre d'un regret.
Un papa en quête d'insouciance
Actuellement sans club, l'attaquant de 35 ans a encore faim de foot, à condition que cela soit synonyme de plaisir, est ouvert à toutes propositions, lui qui révèle au passage qu'il aurait pu signer au PSG en janvier 2013, à son retour de Chine. Mais il place sa priorité ailleurs : "Je suis d'abord un homme libre, qui profite enfin de ses enfants, notamment de ma fille, née en octobre", affirme Nicolas Anelka lorsqu'on lui demande s'il est toujours footballeur, après avoir annoncé résilier son contrat avec WBA le 14 mars, jour de son anniversaire. Marié de longue date avec la chorégraphe Barbara Tausia, il est père de deux garçons, Kaïs (5 ans) et Kahil (4 ans), ainsi que de la petite Lina qui a rejoint la famille à l'automne dernier.
"Je reçois des propositions. La moindre des choses est de les étudier, poursuit-il très tranquillement. Je n'ai pas encore décidé. Mon contrat avec West Brom a officiellement pris fin le 29 mars. A moins d'un miracle, pas de nouveau défi avant la saison prochaine. Que ce soit en Europe ou dans les pays exotiques, j'ai envie de kiffer le foot comme lorsque j'étais jeune, de renouer avec l'insouciance et l'amour du jeu de mes débuts. En attendant, je cours, je m'entretiens. Je connais mon corps, je sais ce dont il a besoin pour être prêt le moment venu. Car il existe de bonnes chances que l'on me voie encore sur les terrains." Et qu'on l'entende en dehors ?
G.J.