Il fallait être un limier aussi fin que Maigret, illustre invention littéraire de son père Georges, pour ne pas manquer le bref passage par Paris de Pierre Simenon. Pour le reconnaître, aussi.
Comme le dépeint Le Parisien dans son édition du 30 janvier, "il ressemble à ces flics d'aujourd'hui, cowboys de la sûreté ou de la PJ", avec sa "silhouette athlétique", son "visage carré" et son "sourire de lame". Effectivement, on verrait plus volontiers Pierre Simenon dans un Olivier Marchal que dans une adaptation de Maigret.
Natif de Lausanne et résident de Malibu, où il officiait il y a peu encore en tant qu'avocat dans le milieu du cinéma - "Je faisais des deals, des achats de société, des contrats de distribution de films ou de production", détaille-t-il -, le cadet des enfants du romancier a quitté l'autoroute du succès de ses activités affairistes pour les chemins de traverse de la littérature, retrouvant à cette occasion la figure mythique de son paternel.
Pierre Simenon présente son premier roman, Au Nom du sang versé (Flammarion, 464p., 21 euros), suivant un avocat "aussi brillant que débauché" dans sa quête pour blanchir la mémoire de son père, soupçonné d'avoir collaboré avec les Nazis. Un ouvrage avec lequel il espère modestement "divertir suffisamment de gens, pour pouvoir continuer".
Il explique ce changement radical d'itinéraire au quotidien francilien : "Je sortais d'un mauvais divorce et ma mère venait de mourir. En 1996, je me suis dit : est-ce que tu vas continuer comme ça ? Travailler comme un fou ? Amasser une fortune jusqu'à 75 ans mais sans vie réelle Alors j'ai pris la route du Sud pour traverser les Etats-Unis et un petit magnétophone pour dicter un journal de route. Dès le premier jour, entre Los Angeles et Phoenix, je me suis mis à écrire le plan de ce récit".
Dans un long entretien accordé à La Tribune de Genève, à consulter en cliquant ici, il évoque notamment le héros de son ouvrage, lorsqu'on lui demande dans quelles proportions il lui ressemble : "Il est beaucoup plus courageux et tenace que je ne l'aurais été à sa place! Et puis physiquement... Vous savez, je visualisais Johnny Depp lorsque je le décrivais, alors..."
Nécessairement interrogé sur les résonances autobiographiques, il répond : "Les yeux dans les yeux, je me sens parfaitement à l'aise avec la personne qu'était mon père. S'il avait eu une quelconque tendance fascisante, antisémite, raciste, nazie, non seulement je ne serais pas la personne que je suis, mais je n'aurais pas reçu l'éducation que j'ai eue. Il m'a donné tout l'amour et toute l'attention dont je pouvais rêver. Il nous répétait : 'Ma profession, c'est père, mon passe-temps, c'est romancier'." Et de ponctuer, lui-même père d'u petit Liam après son remariage avec Adeline : "La plus grande des lâchetés serait d'avoir peur de mon nom !"