On ne rigole pas avec le dopage. Et Les Guignols de l'info n'ont pas de dérogation. Les marionnettes de Canal+ n'en sont pourtant pas à leur première injection d'humour de contrebande dans leurs satires du monde du sport, mais il faut croire que les instances espagnoles n'avaient pas encore consommé les sketches du programme caustique de la chaîne cryptée sur Rafael Nadal. Il aura suffi d'une fois pour que la goutte d'EPO fasse déborder la Coupe des Mousquetaires : la Fédération espagnole de tennis (FET) attaque en justice Canal+ et ses Guignols pour une vidéo accusant de dopage Rafael Nadal, numéro deux mondial de tennis, et les sportifs espagnols en général. Un sujet particulièrement sensible, quelques mois après les déclarations de Yannick Noah sur une "potion magique" utilisée par les Espagnols et au moment même où le cycliste Alberto Contador s'est vu infliger deux ans de suspension et a été destitué de ses victoires sur le Tour de France 2010 et le Giro 2011. La chaîne cryptée ne s'affole pas : hier (8 février), les Guignols en remettaient une belle couche sur les athlètes ibériques et le tennisman vedette, balançant que "la seule chose qui n'est pas dopée en Espagne, c'est l'économie"...
La Fédération espagnole en ordre de bataille, Rafael et Toni Nadal fatalistes
"La Fédération espagnole de tennis va porter plainte contre Canal Plus France pour la diffusion d'une vidéo dans laquelle, en plus d'insinuations inadmissibles et injurieuses, la chaîne se permet l'utilisation du logo de la Fédération", a expliqué la Fédération dans un communiqué, précisant qu'elle entend rechercher le soutien des autres fédérations ibériques impliquées pour une action juridique groupée.
Le sketch incriminé a été diffusé lundi soir (6 février). Intitulée L'Homme de la Mancha et amorcée par le biais de l'affaire Contador, la séquence montrait Rafael Nadal s'arrêtant dans une station-service pour faire le plein : on le voyait alors avaler une bouteille d'eau puis uriner dans le réservoir de sa voiture et repartir en trombe, avant de se faire flasher par les gendarmes. Le sketch, à revoir dans notre player (à partir de 3'35), se concluait sur la mention "Les sportifs espagnols, ils ne gagnent pas par hasard" (pastiche du slogan de Total, "Vous ne viendrez plus chez nous par hasard"), accompagnée des logos de chaque fédération sportive. Eurosport a noté que le président de la FET, Jose Luis Escanuela, s'est également insurgé via Twitter : "Des limites intolérables ont été dépassées, et la Fédération espagnole de tennis ne peut tolérer le déshonneur et les injures envers nos sportifs."
Si Rafael Nadal avait répondu directement à Yannick Noah en novembre dernier, c'est cette fois son oncle et coach Toni Nadal qui monte au créneau, réagissant dans Marca à la vidéo et l'action de la Fédération : "Rafael ne l'a pas vue, on lui a raconté, rien de plus. La société croit qu'elle a le droit de faire ce qu'elle veut, et je préfère n'y accorder aucune importance. C'est une imitation, que peut-on faire ?", a-t-il philosophé, indiquant que le tennisman majorquin n'avait pas l'intention de se pourvoir en justice et ajoutant que "les Français pourront attendre toute leur vie un contrôle positif de Rafael Nadal".
Canal+ et la tradition française : double couche !
Face à la menace de représailles, Canal+ reste solidaire de son programme poil à gratter, qui en a vu d'autres : "Les responsables du programme ne souhaitent pas entrer dans la polémique car s'ils le faisaient, cela ne cesserait jamais. Chaque jour, il y a des gens qui sont ne pas contents de nos parodies. La caricature est une tradition française et les Guignols font ça depuis de nombreuses années", déclare la chaîne, qui indique par ailleurs n'avoir reçu aucun signe officiel de la Fédération de tennis espagnole.
Et a même enfoncé le clou : en clôture des Guignols du 8 février 2012, on découvrait le sketch L'Auberge espagnole, portant sur la pétition signée par de nombreux sportifs en soutien à leur compatriote Alberto Contador. En guise de stylo, des seringues, la plus grosse revenant à Rafael Nadal. Et cette chute pas faite pour la paix des ménages en ces temps de crise : "La seule chose qui ne soit pas dopée en Espagne, c'est l'économie."
En matière de dopage, Les Guignols n'en sont pas du tout à leur premier fait d'armes : les fidèles du programme se souviennent certainement de la "grande" époque "dopado ou pas dopado", bientôt quinze ans en arrière, où la marionnette de Richard Virenque disait de "Marco Pantaloni" (sic, pour Marco Pantani, le grimpeur italien décédé en 2004 d'un empoisonnement à la cocaïne) qu'il était "chargeado com' un mulado".
G.J.