Il a signé des titres inoubliables, beaux à pleurer. On doit à William Sheller les chansons Nicolas, Les filles de l'aurore, Comme dans un vieux rock'n'roll, Le carnet à spirale, Oh ! j'cours tout seul et, bien sûr, Un homme heureux, qui lui colle à la peau. Après sept ans d'absence et une année 2014 gâchée par de graves problèmes de santé, Sheller sort de sa réserve pour un entretien forcément événement à l'occasion de la sortie de l'album Stylus, le 23 octobre.
William Sheller est aujourd'hui âgé de 69 ans. L'année dernière, il l'a passée à l'hôpital pour soigner une arythmie cardiaque. C'est ce que nous apprend Sophie Delassein dans l'article et l'interview qu'elle consacre à l'artiste dans le nouveau numéro de L'Obs. L'intéressé commente en trois mots : "Quelle année horrible !" Au-delà de sa discrétion et de sa misanthropie assumée, Sheller revient dans cet entretien sur sa vie, quasi reclus en pleine campagne. Loin de tout, peut-être, mais proche de lui : "Au bout d'un moment, je me suis demandé ce que je faisais à Paris. Je pouvais passer quinze jours sans sortir. Si au moins j'avais eu un jardin", raconte celui qui est indissociable de son piano. Il déménage alors dans la campagne orléanaise en 2001, une région où vivent ses petits-enfants. "J'ai trouvé une maison dont les 400 mètres carrés m'épuisaient, d'autant qu'il pleuvait dedans. Au bout de dix ans, j'ai déménagé dans cette propriété qui appartient à un milliardaire allemand. J'y prends un peu de repos mais je n'y vois plus grand monde. Je reçois des amis le week-end, mais ils ne s'invitent que de fin mars à début octobre. Ce n'est pas grave, je suis bien là."
S'il vit loin de tout, William Sheller a su garder le contact avec son public. Grâce à internet, où il converse directement avec lui, un peu comme le fait Michel Polnareff. Raison de plus de sa discrétion médiatique, les émissions de variétés ne lui conviennent plus. Aussi surprenant que cela puisse paraître, il regrette la grande époque des Carpentier : "Il y avait de l'imagination. On jouait des sketchs qui n'étaient pas écrits par Sacha Guitry, certes, mais c'était sympa. Et même si on chantait en play-back, on s'amusait." Son absence lui importe moins que celle d'artistes qu'il a énormément soutenus comme Jean-Louis Murat et Damien Saez. "Ces artistes m'intéressent toujours, mais pour entendre leurs chansons, il faut le vouloir", regrette-t-il. Sheller se dit également touché que de jeunes talents reprennent ses chansons, comme Jeanne Cherhal et, plus récemment, Christine and The Queens, dont la version de Photos Souvenirs est tout simplement admirable : "J'ai été étonné et ravi d'entendre Christine and The Queens reprendre sur scène Photos souvenirs. En général, on choisit plutôt Un homme heureux, comme si j'étais né avec cette chanson..."
Stylus, le nouvel album de William Sheller, est attendu le 23 octobre. Le single Youpylong est magnifique, on y retrouve son piano, des cordes luxuriantes et sa voix qui n'a pas changé d'un iota. Sheller a dû annuler pour raisons médicales le concert qu'il devait donner le 18 octobre à l'Auditorium de la Maison de la Radio. Ses admirateurs iront l'applaudir les 8 et 9 décembre prochains aux Folies Bergère. Après toutes ces années de silence, William Sheller n'avait-il pas peur qu'on l'oublie ? Question décalée. Réponse très Sheller : "Cela n'aurait pas été si grave !"
L'Obs, en kiosques le 22 octobre 2015.