Chef triplement étoilé au Guide Michelin, Yannick Alléno a pris la tête du Pavillon Ledoyen, à Paris, sur les Champs-Elysées. Mais depuis, ce dernier ferait la vie dure à ses équipes. C'est ce que l'on apprend en effet via des déclarations faites par quelques employés terrorisés, sur le site Francetvinfo.
Les prénoms ont été modifiés pour protéger l'anonymat de ces personnes. Antoine dit aimer la rigueur de son métier mais aujourd'hui, pour lui, cela va trop loin. "Mais ce qu'il se passe chez Ledoyen va beaucoup trop loin, remarque-t-il, anxieux de se livrer. Je veux que les gens apprennent que derrière tout ça, les salariés vivent un cauchemar."
Accusé de coups et d'harcèlement
Depuis que le chef Alléno a obtenu trois étoiles, le Pavillon Ledoyen fait salle pleine. Celui qui est secondé par Sébastien Lefort a aussi été sacré cuisinier de l'année par le Gault et Millau. Salué par les critiques, il se voit aujourd'hui attaqué par des accusations de harcèlement de la part de certains employés. "Ça a été l'hécatombe. Dans les cuisines, il ne reste pratiquement plus personne de l'ancienne équipe, raconte Antoine à propos du changement de direction. Ils les ont tous fait craquer pour les mettre à la porte." Toujours selon ses dires, deux cuisiniers poursuivent aujourd'hui Yannick Alléno aux prud'hommes pour licenciement abusif. Ils accusent le chef et son second de coups et de harcèlement.
Les faits incriminés remonteraient au mois de juillet 2014, une semaine après l'arrivée du nouveau chef. Alors que la panique s'empare des cuisines, un bout de viande mal sélectionné interrompt la chaîne de réalisation des plats. Un employé, qui s'occupait du poisson, est alors appelé pour aider ses collègues mais les choses tournent rapidement au vinaigre. Selon plusieurs témoins, le chef triplement étoilé s'en serait pris physiquement au jeune homme. "Il l'a attrapé au niveau de l'épaule et lui a mis un coup de genou dans la cuisse", décrit ainsi l'un des dits témoins, un commis qui aurait assisté à cette scène.
L'employé qui aurait été victime du coup, Guillaume, affirme alors avoir été sommé de poser sa démission. Refusant, il décide de se mettre en arrêt de travail. Son médecin constate une "tuméfaction à la jambe", dans une attestation que francetv info a pu consulter. Le site publie un autre document de la médecine du travail, où l'on peut lire que celui qui se cache derrière le pseudo de Guillaume "présente un syndrome anxieux aggravé à l'évocation de son poste et de ses conditions de travail".
De son côté, contacté par francetv info, Yannick Alléno assure qu'il n'a "jamais porté atteinte physiquement" au cuisinier. "On était dans un climat social compliqué au mois de juillet, explique l'étoilé. Mais je suis strict au niveau légal et je suis très attentif au bien-être de mes employés", a-t-il ainsi ajouté.
"Tu vas perdre ta main, elle va dauber. Tu vas avoir un moignon, comme ça, tu pourras faire Top Chef"
Une autre scène est alors décrite. D'une violence indéniable. Yannick Alléno et son second voulaient faire le grand ménage dans les cuisines vieillissantes de l'établissement, ordonnant ainsi aux cuisiniers de récurer les locaux. Le même Guillaume, qui s'était déjà blessé à la main avec un four, voit sa plaie s'infecter à cause du détergent. Il se plaint alors auprès du chef. "Yannick Alléno m'a répondu : 'Tu vas perdre ta main, elle va dauber. Tu vas avoir un moignon, comme ça, tu pourras faire Top Chef'", raconte-t-il, contacté par francetv info. Une allusion indécente à Grégory Cuilleron, un candidat handicapé de la première édition de l'émission de M6, à laquelle a participé le chef. Ce dernier s'en défend : "Je n'ai jamais prononcé ces mots. Quand on nettoie les cuisines, on a des gants. Les choses sont carrées à la maison." Un autre commis assure le contraire de son côté : "L'acide rongeait tellement les gants qu'on a vite fini les stocks. Le chef ne voulait plus en acheter d'autres. J'ai fini avec les chairs à vif, au niveau des articulations et entre les doigts." Qui croire ?
"Il a pété les plombs et m'a mis un chassé"
Une cuisinière se plaint elle aussi des conditions de travail. Elle aura mis seulement deux mois avant de craquer, évoquant des semaines de travail qui avoisinaient la centaine d'heures. "En rentrant la nuit, je pleurais dans ma douche. C'était le seul moyen pour évacuer la pression", raconte-t-elle. Un commis, lui, relate avoir reçu pour consigne de faire craquer plusieurs cuisiniers, les pousser à bout. Ce commis, qui a lui aussi fini par claquer la porte du Pavillon, raconte une altercation avec Sébastien Lefort. "Il a pété les plombs et m'a mis un chassé [un coup de pied] dans la cuisse", affirme-t-il. Selon le commis, Sébastien Lefort aurait ensuite attrapé une casserole de sauce pour la lui jeter dessus : "J'ai reçu des éclaboussures au visage qui m'ont brûlé." Il a décidé dès le lendemain de déposer une main courante et de poursuivre le restaurant aux prud'hommes. Des témoignages que réfutent naturellement Alléno et Lefort.
"Je fais ce métier depuis 22 ans. J'ai déjà été ferme, mais je n'ai jamais touché personne", se défend ainsi le sous-chef.
Une histoire qui n'a pas fini de faire couler de l'encre...
Chloé Breen