Une nouvelle biographie d'Yves Saint Laurent a fait son apparition dans les librairies. Elle est signée par la journaliste Marie-Dominique Lelièvre, qui s'est déjà exercée sur Serge Gainsbourg et Françoise Sagan. Pierre Bergé, l'homme d'affaires qui a créé avec le couturier et fait prospérer la maison Saint Laurent, n'a pas souhaité participer à l'élaboration de cette biographie.
La journaliste aborde les sujets qui fâchent comme les angoisses de Saint Laurent, son homosexualité mal assumée, la drogue et l'alcool jusqu'à son décès le 1er juin 2008. Au sujet de sa sexualité par exemple, elle explique que "quelque chose de pesant, peut-être lié à son homosexualité, s'est installé chez lui à l'adolescence. Il avait des liaisons en Algérie avec des garçons arabes. On se moquait de lui au lycée, on le traitait de tapette. Il vivait mal son homosexualité, mais c'était fréquent chez les homosexuels de cette génération."
Dans le Journal du Dimanche, elle revient sur le mythe et explique pourquoi elle s'y est intéressée. Elle ne croit pas du tout, par exemple, au "génie dépressif" dont on entend si souvent parler :
"Yves Saint Laurent a commencé à aller mal à partir des années 1976-1977. On a alors fabriqué un personnage : l'artiste foudroyé par son génie. Je ne crois pas au génie. C'est une invention bourgeoise. Freud ou Le Corbusier n'étaient pas géniaux. Ils étaient monomaniaques et concentrés sur leur travail. YSL a dédié sa vie à la Haute Couture. Pierre Bergé a dit : 'Yves Saint Laurent est né avec une dépression nerveuse.' Le médecin que j'ai vu conteste ce diagnostic. Le dépressif n'a pas d'énergie. YSL avait une énergie considérable."
Pour dresser le portrait du couturier, Marie-Dominique Lelièvre a rencontré une cinquantaine de témoins dont des membres de sa famille, des collaborateurs, des médecins, des banquiers, des premiers d'atelier et des mannequins.
Mais le témoin numéro Un, Pierre Bergé, lui a fermé sa porte. Dans le JDD, il s'explique : "J'aurais participé à son projet si elle m'avait laissé une place autre qu'un strapontin. Je ne suis pas prêt à cautionner un fatras de ragots mal vérifiés. (...) J'aurais pu démêler le vrai du faux et libre alors à elle de me croire ou non." Bergé ajoute, et nous pensons sentir comme une petite provocation à la journaliste : "Elle aurait dû le savoir : je ne vais me mettre à raconter des histoires à mon âge." On le sait, l'homme dit ce qu'il pense. Il y a quelques semaines, il n'avait pas hésité à remettre en cause le Téléthon. La polémique profitera d'ailleurs à l'évènement.
À son sujet, la journaliste explique : "Les entourages sont toujours complices même sans le vouloir. Certains pensent que Pierre Bergé a entretenu YSL dans ses faiblesses, jusqu'à le rendre dépendant. Je relaie ces témoignages sans forcément les partager. YSL avait suffisamment de masochisme en lui pour se faire du mal tout seul."
Pierre Bergé a-t-il entamé des démarches pour faire interdire le livre ? Non : "Je ne ferais rien contre son livre. Je n'y attache, en fait, aucune importance", confie-t-il au JDD. Selon lui, la "biographie d'YSL reste à faire. Il faut quelqu'un qui possède à la fois une vaste culture d'historien et une connaissance pointue du milieu de la mode. Il est nécessaire de posséder les deux facettes pour expliquer pourquoi Yves Saint Laurent reste le plus grand couturier français."
Dans Lettres à Yves, un ouvrage qui sera publié le 4 mars chez Gallimard, Pierre Bergé promet d'ailleurs de "dévoiler la vérité de l'homme."
A.D.
Saint Laurent, Mauvais garçon, de Marie-Dominique Lelièvre, aux éditions Flammarion.