Biographie
- Résidence : France
Loubna Abidar est une actrice marocaine. Plus encore, elle est un symbole, celui du courage et de la liberté, affirmés dans la vie et dans un film considéré comme un brûlot dans son Maroc natal.
Loubna Abidar naît à Marrakech le 20 septembre 1985. Aînée de trois enfants, elle grandit dans une famille marocaine traditionnelle, avec un père berbère amazigh, qui l'agresse sexuellement et la viole durant son enfance, et une mère arabe, dans un environnement patriarcal rigide.
Son père est violent, et son avenir dicté par la norme, mais, petite, elle s'évade de cet univers morne en rêvant aux actrices des films classiques égyptiens qu'elle regarde à la télévision. Elle veut être actrice, ce qui pour son entourage équivaut à prostituée. En attendant, son père, un raté sans emploi, la force à travailler dès ses 8 ans, la frappe et lui laisse des cicatrices et des hématomes comme seules traces de leur relation filiale. A 17 ans, elle organise un faux mariage avec un français juif sexagénaire, ancien DJ du club Les Bains et personnalité du tout-Paris, pour pouvoir s'échapper de ce cocon familial coercitif et déménage avec lui à Paris pour poursuivre ses études.
Rapidement divorcée, elle épouse un Brésilien avec qui elle a une fille. A Marrakech, elle avait commencé sa carrière artistique comme danseuse orientale ; une fois revenue dans sa ville après son séjour parisien, elle enseigne la danse et commence à obtenir de petits rôles à la télévision et au cinéma, dans des films modestes, destinés au marché local.
Quand elle va passer le casting du film Much Loved, de Nabil Ayouch, elle est si déterminée qu'il ne voit pas qui mieux qu'elle pourrait incarner son héroïne. Elle travaille en outre à la préparation du film avec le réalisateur, rare représentant du cinéma d'auteur dans un pays qui produit surtout du cinéma de divertissement sans ambition. Le film est sélectionné au Festival de Cannes 2015 et acclamé pour l'abattage de son actrice principale, qui joue une prostituée dans une peinture sans concessions de cette activité taboue mais répandue au Maroc, entre clients européens et riches "consommateurs" venus des pays du Golfe, et principalement d'Arabie saoudite, dépenser leurs pétrodollars en sexe tarifé. Loubna Abidar est particulièrement visée par la colère des milieux islamistes, pour une scène de sexe nue. Vilipendée, insultée, elle doit affronter l'opprobre et endurer les insultes et les menaces, voire les procès que veut lui intenter une association pour avoir "nui à l'image de Marrakech".
Le 6 novembre 2015, elle est victime d'une violente agression à Casablanca. Quand elle veut porter plainte, le visage en sang, la police refuse de prendre sa plainte et se satisfait de son agression. Elle réussit à s'enfuir pour la France, avec un visa de tourisme, expiré à la date où elle est nommée au César 2016 de la meilleure actrice, pour lequel elle se trouve en compétition avec Catherine Deneuve, Catherine Frot (qui l'emporte), Isabelle Huppert ou encore Cécile de France. Et ce, pour un film qui reste interdit au Maroc, même si la diffusion pirate lui a permis d'être beaucoup vu - et apprécié par les milieux progressistes, qui y ont vu une dénonciation d'une situation taboue, dissimulée par la société, mais bien réelle.
Accueillie à Paris par le milieu culturel, qui voit en elle un symbole de la lutte contre l'obscurantisme, elle publie un livre, La Dangereuse (2016), écrit avec la journaliste du Monde Marion Van Renterghem, qui raconte son histoire. Elle a entre-temps tourné dans un autre film marocain et lutté contre son réalisateur qui exigeait un droit de cuissage contre son engagement, renforçant ses convictions féministes et humanistes.
Sa situation légale réglée, après une intervention de la ministre de la Culture, elle peut y travailler et apparaît en 2018 dans deux films, Amin, de Philippe Faucon, avec Emmanuelle Devos, et A Genoux les gars d'Antoine Desrosières, qui revient sur la misère sexuelle en milieu immigré. Elle joue aussi dans un épisode de la mini-série Fiertés, de Philippe Faucon, avec Emmanuelle Bercot et Chiara Mastroianni. En 2019, elle est dans Une Fille Facile, de Rebecca Zlotowski, largement médiatisé pour le premier rôle accordé à Zahia Dehar, une autre "scandaleuse", mais aussi Benoît Magimel. Elle fait une apparition dans Mytho (2019), une mini-série diffusée sur Arte, avec Marina Hands et Mathieu Demy.
En 2019, elle se remarie, avec un homme d'affaires égyptien ; la dangereuse est amoureuse, mais reste un symbole d'émancipation, de force et de liberté pour les femmes de son pays. Et au-delà.