Dix ans après, Thomas Piketty a été apostrophé pour les faits de violences conjugales avérés qu'il avait fait subir à son ancienne conjointe, Aurélie Filippetti. Invité d'une conférence à l'Institut d'Études Politiques (IEP) de Toulouse, le 21 novembre dernier, l'économiste a été interpellé par une étudiante : "Vous avez reconnu en 2009 avoir battu votre ex-conjointe. Et du coup je voulais savoir ce que vous pensiez du fait de faire cette conférence alors que dans trois jours, le 23 novembre, on va avoir la Marche contre les violences faites aux femmes... ?"
La relation dont vous parlez a été une relation avec une personne extrêmement violente vis-à-vis de mes filles
L'économiste s'était alors insurgé qu'on lui pose une telle question. Pour rappel, la plainte avait été classée sans suites (en étant révocable à tout moment) et Thomas Piketty avait écopé d'un léger rappel à la loi. "C'est votre intervention que je trouve indécente. La relation dont vous parlez a été une relation avec une personne extrêmement violente vis-à-vis de mes filles. J'ai trois filles, qui étaient petites à l'époque, et cette personne a été extrêmement violente vis-à-vis d'elles. Je l'ai mise hors de chez moi, je l'ai poussée dehors, ce que je regrette, et je vous assure qu'après le comportement qu'elle a eu avec mes filles beaucoup de personnes se seraient beaucoup plus énervées", répond-il, en évoquant Aurélie Filippetti, sans la nommer.
Suite à ces propos, Aurélie Filippetti a déposé plainte contre son ancien compagnon pour "diffamation", comme elle l'a annoncé sur son compte Facebook et par l'intermédiaire de son avocat, dans les pages des Inrocks. "Aurélie Filippetti a été très choquée des propos de Thomas Piketty, en tournée de promotion de son nouveau livre, jeudi dernier, à Toulouse, deux jours avant la marche contre les violences faites aux femmes. Accuser sa victime de violences sur mineurs est tout simplement insupportable", a expliqué Me Vincent Tolédano.
Il jette la faute sur la femme, moi, la victime
L'ancienne ministre de la Culture s'est ensuite livrée au quotidien italien Corriere della Serra pour livrer sa version des faits. "En 2009, je l'avais dénoncé pour des violences qui ne concernaient pas seulement ce soir-là, puisqu'elles étaient répétées (...) J'avais reconnu des épisodes violents répétés dont il ne s'était jamais excusé", explique Aurélie Filippetti. Quant aux propos qu'elle décrit comme mensongers de son ancien conjoint : "Ce sont des choses douloureuses pour moi. Il jette la faute sur la femme, moi, la victime. Il est fou, pour se défendre, il a décidé d'inventer une histoire, de fond en comble. Il aurait pu dire "je préfère ne pas évoquer le sujet", mais il a inventé toute une histoire parce qu'il n'a pas encore pris conscience des violences qu'il a commises".
Aurélie Filippetti se défend ensuite de toute violence envers les filles de son ancien compagnon. "C'est complètement faux. Si moi je l'ai dénoncé pour violences à l'époque, il n'a jamais évoqué le fait que j'ai été violente envers ses filles. C'est un mensonge complet. La victime qui s'est tournée vers la police, c'est moi. Lui cherche à inverser totalement les choses", ajoute-t-elle, en précisant qu'à l'époque, Thomas Piketty avait cherché à "minimiser les violences".
Piketty signe et persiste
Contacté par Les Inrocks, Thomas Piketty réaffirme ses propos. Il dit "regretter de nouveau de ne pas avoir su mettre fin immédiatement et de façon apaisée à cette relation pathologique et toxique pour les deux parties". "La plaignante était à l'époque des faits dans un état de forte agressivité vis-à-vis de mes filles et vis-à-vis d'elle-même, avec des mises en danger et des prises de médicaments qui accentuaient son agressivité", poursuit-il. L'économiste admet "n'avoir pas su réagir avec autant de distance que je l'aurais souhaité".
Pour rappel, Thomas Piketty avait obtenu un simple rappel à la loi après la plainte déposée par son ancienne compagne en 2009. Les faits de violences, reconnus par l'économiste, avaient entraîné une incapacité totale de travail (ITT) de moins de huit jours pour Aurélie Filippetti.
Rappelons que Thomas Piketty est présumé innocent des faits qui lui sont reprochés jusqu'à fermeture définitive du dossier.