Le litige entre Bernard Tapie et le Crédit lyonnais dure depuis de longues années. Le nouveau procès de l'homme d'affaires de 76 ans s'est ouvert le 11 mars 2019 à la 11e chambre correctionnelle du tribunal de Paris. Le 1er avril, dans la soirée, le parquet de Paris a requis cinq ans de prison ferme contre lui, pour "escroquerie" et "détournement de fonds publics" . Bernard Tapie a été qualifié de "co-organisateur" et de "principal bénéficiaire" d'une "escroquerie" lors de l'arbitrage controversé de 2008 censé solder son litige avec le Crédit lyonnais, par la suite déclaré frauduleux. Cet arbitrage, qui avait octroyé 403 millions d'euros à l'homme d'affaires il y a plus de dix ans dont 45 pour son "préjudice moral", était "truqué".
Après plus de quatre heures et demi de réquisitoire devant le tribunal correctionnel, les représentants du parquet, Nicolas Baïetto et Christophe Perruaux ont requis cette peine qui ne sera "certainement jamais mise à exécution", l'ex-ministre souffrant à 76 ans d'un double cancer, ainsi que la confiscation de l'ensemble des biens saisis. "M. Tapie clame haut et fort depuis des années qu'il a été escroqué par le Crédit lyonnais" lors de la revente d'Adidas dans les années 1990, mais il "n'est victime de rien", ont insisté les procureurs.
Des peines d'emprisonnement ont également été requises à l'encontre des autres protagonistes jugés au côté de Bernard Tapie depuis le 11 mars. Contre l'actuel PDG d'Orange, Stéphane Richard, qui était directeur de cabinet de Christine Lagarde, le parquet a demandé trois ans de prison dont 18 mois ferme, assortis d'une amende de 100 000 euros. Pour l'accusation, Stéphane Richard a fait une "présentation tronquée" à sa ministre du litige, lui a caché la présence de l'homme d'affaires lors d'une réunion cruciale à l'Élysée et a "usurpé sa signature" pour permettre l'entrée en arbitrage. L'énarque de 57 ans doit être par conséquent "écarté de la fonction publique" pendant cinq ans, a estimé le parquet.
La même peine d'emprisonnement et la même interdiction a été réclamée à l'encontre de Jean-François Rocchi, ex-dirigeant du Consortium de réalisation (CDR), adversaire de Bernard Tapie lors de l'arbitrage. La relaxe a au contraire été requise pour un autre fonctionnaire, Bernard Scemama. Contre Me Maurice Lantourne, avocat historique de Bernard Tapie et son "éminence grise", le parquet a demandé trois ans d'emprisonnement avec sursis. Une peine "symbolique" de trois ans ferme a été requise contre le principal rédacteur de la sentence arbitrale Pierre Estoup, 92 ans, absent pour raisons médicales. Ce haut magistrat, "l'imposture incarnée", avait des "relations nourries" avec la partie Tapie et s'était mis "à la solde" du duo, a estimé Nicolas Baïetto.
Parties civiles au procès, l'État et le CDR ont demandé le paiement solidaire de 525 millions d'euros de dommages et intérêts en réparation d'une "escroquerie colossale". Ils réclament en outre respectivement 1 million et 500 000 euros au titre du préjudice moral.
Les plaidoiries de la défense devraient s'échelonner sur trois et éventuellement quatre jours. Le jugement n'est pas attendu avant plusieurs semaines.
Énervé à sa sortie la 11e chambre correctionnelle du tribunal de Paris, une fois les cinq ans de prison ferme requis, Bernard Tapie a interpellé les avocats des parties civiles : "Contents, ça va ? Vous allez passer une bonne soirée, je vais être cinq ans en prison", leur a-t-il lancé.
Bernard Tapie est représenté dans ce dossier par maître Julia Minkowski, l'épouse de Benjamin Griveaux enceinte de leur troisième enfant, et de maître Hervé Témime qui représente également Laura Smet dans l'affaire de l'héritage de Johnny Hallyday.