Dans un café du 11e arrondissement, Cléa Vincent arrive pour son interview avec Purepeople. Remarquée avec son titre Château perdu, invitée sur le plateau de Quotidien pour interpréter Retiens mon désir, elle se fraye un beau chemin sur la scène française, avec ses touches qui riment en "é" : synthé, décalé, frais. L'artiste ressemble-t-elle à l'héroïne pop aux mélodies vibrantes, aux paroles à la fois douces et cash et au look graphique et coloré ? La jeune femme qui s'assoit dans le charmant établissement dégage, au premier abord, la même belle énergie que sa musique. La suite de l'entretien confirmera l'impression. Portrait.
Fille d'avocats parisiens qui lui ont transmis leur amour pour la musique, Cléa Vincent se rêvait petite "PDG international" : "J'avais installé un bureau dans ma chambre !" Cela étant, elle a écouté beaucoup de musique dès l'enfance, était "amoureuse de Julien Clerc" et cite aussi Alain Souchon et Renaud comme artistes avec qui elle a grandi.
La musique habite sa vie mais Cléa Vincent suivra des études d'économie. Jusqu'à ce déclic, ce moment où l'on se dit qu'on se lance entièrement dans sa passion. "Il y a eu un jour J. Un amphithéâtre de marketing à Nanterre-Université. J'étais en master, entouré de gens qui voulaient faire ça de leur vie, de la finance, du marketing, des métiers qui ne m'attiraient pas du tout. Je me suis retrouvée en éco en suivant la voie générale pour rassurer mes parents qui sont avocats. Ils ne sont pas dans le milieu, pas dans la musique même s'il y a une fibre – mon père est musicien. Ils avaient peur pour moi, je les comprends. Donc ce jour, en plein milieu du cours, j'ai pris mon cahier et me suis dit que c'était la dernière fois."
Cléa Vincent a vite rebondi car elle faisait déjà des concerts, des bookings : "Il y a beaucoup de petites salles à Paris. Je faisais des bookings pour un pianiste de jazz et pour moi, j'arrivais à m'en sortir financièrement. Je fais ça depuis 2008 et chaque année, j'ai plus de travail, de concerts. La seule chose qui peut me déstabiliser, c'est la création car il y a plein phases compliquées, des moments de découragements mais ça ne dure jamais très longtemps."
Il y a quelques années, la musique de Cléa Vincent attire l'oreille d'un cadre du milieu, celle du directeur artistique de Polydor de l'époque, Jan Ghazi, qui a un coup de coeur musical pour son travail. Sauf que ce dernier travaille pour une major sur laquelle figurent des noms tels que Camille, Phoenix, Air. Les artistes présents ont déjà tout un travail d'images et de marketing derrière eux et il ne peut donc pas faire tout ce travail de développement pour Cléa Vincent. D'un commun accord et sans colère, les deux parties se séparent : "Tout ce travail de développement, je l'ai fait ensuite avec un premier EP, des concerts partout en France et à l'étranger. J'ai commencé à faire de petites salles pour construire mon public. Moi ça m'arrangeait de retrouver ma liberté. Je n'ai jamais craché sur les majors car elles font vivre les artistes, une partie de l'économie musicale mais elles ne sont pas là pour faire du développement. J'adore le faire, j'aime bien être patronne. J'ai l'impression d'être libre aujourd'hui, même si je n'ai pas un budget dingue au niveau promo. Moi-même j'adore découvrir des artistes par la petite porte."
A l'heure des télé-crochets grâce auxquels des artistes reconnus comme Julien Doré ou Luce ont percé, Cléa a-t-elle été tenté par l'aventure ? "J'ai regardé ces émissions, j'ai adoré et je me suis rêvée dans des castings. Mais dans le fond, ce n'est pas ma voie car je ne suis pas une chanteuse à voix, il y a essentiellement des reprises dans ces émissions. "
Pour fidéliser son public, Cléa Vincent utilise beaucoup les réseaux sociaux qu'elle manipule de façon poétique et drôle.
T'as le look Cléa
Dans l'identité de l'artiste, se dégage tout de suite le look. Il suffit de regarder ses clips aux accents rétro et/ou tropicaux, Cléa Vincent se déhanche dans un univers colorés dans lequel son style est tout de suite reconnaissable. Elle nous en dit plus : "Ma tenue de scène est graphique, colorée. Il y a des matières qui prennent bien la lumière, il ne faut pas des motifs trop compliqués. On m'a dit que dès que je mets ma tenue, je rentre dans mon personnage, je suis plus affirmée, mais c'est assez inconscient. Je m'inspire de style de vêtements que je repère en friperie où il y a des pièces des années 1980-90. Je suis souvent avec des vestes starters américaines car je me sens cool dedans. C'est un peu habillé, car c'est flash, mais ça reste décontracté. Et le côté petit short, c'est parce que je suis très à l'aise dedans, je peux bien bouger les jambes. Pas jambes nues car je trouve cela un peu agressif. Je me mets toujours à la place du public, je ne veux pas le déranger. Lors de notre tournée en Amérique centrale, les musiciens se sont mis à travailler de plus en plus leur look et le bassiste a acheté sans le savoir une tenue de femme. Contre toute attente, ça a amusé le public et l'a aidé à se lâcher. Ce qu'on dégage se répand sur les gens. C'est de l'énergie visuelle. "
Etre heureux empêche-t-il de créer de la musique ? Cléa Vincent s'est interrogée sur cette question, elle qui s'inspire toujours de son vécu, car pour son deuxième album, elle voyait que tout allait bien dans sa vie : "Mais le bonheur provoque toujours des questionnements. Etre en couple, amoureuse, entourée, faisant un métier qui me passionne, ça ne m'empêche pas d'être perdue. Je suis traversée de nostalgie. Les chansons de mon deuxième album vont être sur la vie à deux et il y a toujours cette question du désir. Il y a un artiste qui m'a décomplexée sur ce sujet, c'est Philippe Katerine, il a écrit une superbe chanson qui s'appelle Un moment parfait. Alors je me suis dit que si lui arrive à écrire une chanson sur le bonheur, ce n'est pas grave si moi aussi je parle de moment heureux."
Que ressent l'artiste lorsque certains trouvent ses paroles naïves ? Elle assume et explique en commençant par citer Elisa de Gainsbourg : "Les paroles sont claires, on comprend très bien. D'une certaine façon, c'est naïf. J'aime quand on comprend tout de suite une chanson. J'ai un désir de transparence, de clarté dans les textes et dans la musique. Je ne le prends pas mal du tout quand on me dit que ma musique est naïve, je le comprends, ce n'est pas grave. Retiens mon désir, c'est cash. C'est vrai que c'est un peu osé mais je me suis dit qu'il ne faut pas se cacher, si tu as envie de dire ça, vas-y."
Dire que Cléa Vincent est dans son élément sur scène est un euphémisme, tant son énergie enthousiaste est palpable. Elle a chanté dans de petites salles parisiennes comme en Europe du Nord et en Amérique Centrale. De l'autre côté de l'Atlantique, elle a ainsi été invitée par un directeur d'Alliance française au Salvador puis dans d'autres établissements de la région. "Ça a soudé le groupe, on a joué pour un autre public, on était coupé de nos proches durant trois semaines, avec un rythme particulièrement intense. Même si on le savait déjà, on s'est encore plus rendu compte que le groupe était hyper heureux ensemble."
Une famille musicale – "depuis 2014 on tourne à 4 sur scène et avec le batteur Raphael Léger (ex-Tahiti 80, ndlr), on écrit de plus en plus ensemble" – qui nourrit son énergie et sa passion pour la musique, notamment sur scène : "On s'aime beaucoup et quand on a une heure pour s'éclater en concert, c'est très porteur. Il y a quelque chose de l'ordre de l'amitié, de la passion de la musique, l'amour, la joie d'être ensemble."
Nouvelle étape pour Cléa Vincent et son groupe ? La Cigale le 23 novembre. L'occasion d'apprécier dans cette salle parisienne mythique la néo-pop music d'une artiste irrésistible.
Samya Yakoubaly
Plus d'infos en cliquant sur le lien de La Cigale.