Les auteurs changent, les artistes demeurent. Dans son édition du 26 janvier 2012, le magazine Challenges révèle son palmarès exclusif des artistes de la scène musicale française qui se sont le plus enrichis en 2011 dans l'Hexagone. Et comme chaque année, les palmarès du genre ont beau être le fruit des analyses de divers cabinets et être publiés par Le Figaro, Le JDD ou encore Capital et en l'occurrence Challenges, il y a des constantes : les cadors sont indéboulonnables, les têtes d'affiche de l'année écoulée sont en belle position, et les deniers grapillés sur scène pèsent de plus en plus. Et peu de surprises, sinon une : le chanteur le plus riche de 2010, Yannick Noah, a disparu de la liste avec la fin de son énorme tournée pour l'album Frontières.
A noter, au préalable, que Challenges, pour la troisième édition de son palmarès, a travaillé en collaboration avec Weave, cabinet de conseil en stratégie opérationnelle, spécialiste des problématiques de rémunération, pour déterminer "le revenu 2011 des chanteurs français vivants, généré par leur activité musicale sur le territoire national, hors revenus connexes (contrats cinématographiques, publications, prises de participation dans des sociétés, cachets télévisuels...) et droits". La revue, dont l'enquête est disponible en intégralité sur son site officiel, précise ses critères d'étude : "Ont été prises en compte les ventes de disques physiques et numériques issues de différentes sources pondérées par les compétences de l'artiste (auteur-compositeur-interprète-éditeur), la taille de son fonds de catalogue disponible et le nombre de passages radio, ainsi que les revenus générés par les tournées selon le niveau d'intéressement, le merchandising et les contrats publicitaires."
Guetta number one ou "la suprématie du son sur la chanson"
Dans le Top 10 présenté par Challenges, on retrouve, dans le désordre, cinq artistes qui y figuraient déjà en 2011 : Eddy Mitchell (2e, 5e en 2011), Jean-Louis Aubert (3e, 10e en 2011), Mylène Farmer (4e, 3e en 2011), Christophe Maé (9e, 4e en 2011) et, surtout, David Guetta. Dauphin de Noah l'an passé, qui profite du désistement de la personnalité préférée des Français pour monter sur la plus haute marche du classement. Installé à Londres depuis la fin de l'année dernière, Guetta a réalisé sur le territoire français 3,2 millions d'euros de "chiffres d'affaires", ce qui ne représente en réalité qu'un tiers de ses revenus globaux, lui qui a encore boosté l'an dernier la balance du commerce extérieur culturel avec 3,45 millions d'albums vendus dans le monde (derrière, Zaz est la mieux placée avec... 400 000 galettes diffusées hors de nos frontières, bien aidée sans doute par son interprétation du générique de fin d'Hugo Cabret, bijou de Scorsese nominé onze fois aux Oscars). Challenges voit à raison l'avènement du DJ mondialiste comme l'affirmation d'une "nouvelle race d'artistes" et la "suprématie du son sur la chanson", avec une musique beaucoup moins exigeante en coût, en logistique et en promo que dans le cas d'un album de chansons, sans parler des facilités de diffusion (guest stars fameuses, passages en clubs...). Effectivement, on ne peut que remarquer que le number one du classement des chanteurs ayant le mieux gagné leur vie en 2011... est le seul du Top 10 à ne pas être chanteur.
Aux vieux de la vieille les mains pleines
Derrière lui, Eddy Mitchell gagne trois places. 5e en 2011, le voici 2e en 2012, avec 3 millions d'euros encaissés, grâce essentiellement à une tournée d'adieux pleine de panache et authentique, mais aussi aux revenus de son catalogue (notamment l'album Come Back sorti en 2010).
Ex-aequo sur la troisième marche du podium avec 2,7 millions d'euros de revenus, Jean-Louis Aubert et Mylène Farmer. L'ex-Téléphone, âgé de 57 ans, réalise une foudroyante progression de sept places grâce à son Roc Eclair Tour, démontrant encore une fois la fidélité à toute épreuve d'un large public et la dimension formidablement humaine d'Aubert en scène. La divine rousse, elle, sait aussi de quoi on parle quand on évoque l'attachement des fans : les siens ont fait de Bleu noir, son album paru fin 2010, un grand succès qui lui vaut d'être stable, toujours placée dans le Top 5 hexagonal.
Johnny Hallyday, sans tournée en 2011 et même s'il a fini l'année sur une scène de théâtre en tant que comédien, pointe à la 5e place avec 2,6 millions d'euros. Des recettes issues d'avance et de ventes de son catalogue plus que de celles de l'album Jamais seul, écoulé à 200 000 exemplaires "seulement". Le cas Johnny, comme d'autres vétérans stars de la scène musicale française, (dont les deux précédents), remet en mémoire que ceux-ci ont un intéressement sur leurs ventes de disques et de billetterie bien supérieur aux jeunes artistes...
C'est ce qui vaut à Charles Aznavour, interprète toujours impeccable à 84 ans, auteur d'un splendide tour de chant en 2011 (lucratif comme à chaque fois, avec des places allant jusqu'à 200 euros), de... faire son entrée dans le Top 10 directement en 7e position, avec 2,2 millions d'euros au compteur. Et c'est encore ce qui explique que des artistes installés comme Gérard Lenorman (12e), Florent Pagny (13e), Laurent Voulzy (15e), Hubert-Félix Thiéfaine (16e) ou encore Julien Clerc (21e), figurent confortablement dans le palmarès, tous auteurs d'un album et/ou d'une tournée en 2011. Concernant Julien Clerc, avec sa tournée symphonique fraîchement lancée, il y a fort à parier qu'il remonte au classement en janvier 2013. A l'instar d'un Johnny Hallyday qui fera en 2012 son retour sur scène, avec notamment trois dates au Stade de France.
Des surprises... sans surprise
Entre Jojo et Monsieur Charles, une touche de glamour et de folklore : Nolwenn Leroy, le carton inattendu de l'année avec l'album retour aux sources Bretonne (600 000 ventes), a encaissé 2,5 millions d'euros. Elle est 6e sur l'année 2011 (elle n'était que 20e en 2010). Et s'apprête à tenter de conquérir l'Amérique...
En queue du peloton des leaders, Roberto Alagna, 12e en 2011 et à présent 8e avec 1,6 million d'euros, fait une percée qui confirme l'engouement du public pour les détours de l'irréductible ténor : entre sa Pasion compilant des standards latino-américains et ses hommages populaires et traditionnalistes à la Sicile (Sicilien) ou Luis Mariano, Alagna, sans peur du mélange des genres, gagne en rayonnement. Christophe Maé égale sa performance commerciale (1,6 million d'euros), dans le sillage de l'album On trace la route sorti au printemps 2010. Même score financier pour le 10e, Ben l'Oncle Soul, enrichi par une tournée très fructueuse qui lui a valu une Victoire de la musique de la révélation scène.