Plus de vingt ans après l'éclatement, dans une biographie non autorisée de la reine Paola, de l'affaire Delphine Boël et après plus de six ans d'un bras de fer judiciaire au terme duquel elle a pu contraindre le roi Albert II des Belges à se soumettre à un test ADN, elle a obtenu gain de cause : Delphine Boël est bel et bien la fille biologique de l'ancien souverain, qui a pris acte, par voie de communiqué.
"Sa Majesté le Roi Albert II a pris connaissance des résultats du prélèvement ADN auquel Il s'est prêté à la demande de la cour d'appel de Bruxelles. Les conclusions scientifiques indiquent qu'Il est le père biologique de Madame Delphine Boël", fait ainsi savoir le texte diffusé par les avocats de l'ex-monarque âgé de 85 ans, père de l'actuel roi Philippe, de la princesse Astrid et du prince Laurent.
La suite du communiqué s'évertue à souligner la "dignité" dont il ferait preuve en décidant de reconnaître à ce stade sa fille illégitime, née d'une relation extraconjugale avec la baronne Sybille de Sélys Longchamps - une perception de la situation que chacun appréciera à sa façon, compte tenu de ses efforts acharnés, des années durant, pour se soustraire à l'expertise ADN, jusqu'à ce que son ultime pourvoi soit rejetée, en décembre 2019. "Même s'il existe des arguments et des objections juridiques pour justifier le fait qu'une paternité légale n'est pas nécessairement le reflet d'une paternité biologique et que la procédure adoptée Lui paraît contestable, continue ainsi le communiqué, le Roi Albert a décidé de ne pas les soulever et de mettre un terme dans l'honneur et la dignité à cette procédure pénible. Le Roi Albert tient à faire observer que, depuis la naissance de Madame Delphine Boël, Il n'a été mêlé à aucune décision familiale, sociale ou éducative quelconque relative à Madame Delphine Boël et qu'Il a toujours respecté le lien qui existait entre Madame Delphine Boël et son père légal [Jacques Boël, NDLR]."
Avec acrimonie, le communiqué émis au nom du roi Albert va même plus loin : "Plus de quarante ans plus tard, Madame Delphine Boël a décidé de mettre fin à son lien légal et socio-affectif avec son père et de changer de famille, estime-t-il. Et cela au travers d'une procédure longue, douloureuse et qui s'est révélée judiciairement contradictoire. Cette procédure n'a pas respecté la vie privée des parties. Respectueux des institutions judiciaires, le Roi Albert s'est abstenu pour Sa part d'intervenir dans les débats hors des prétoires. Voilà pourquoi, Il a décidé de réagir et d'expliquer sa position dans cette affaire."
Artiste plasticienne réputée et mère de deux enfants (Joséphine, 16 ans, et Oscar, 11 ans) nés de sa relations avec James O'Hare, Delphine Boël, 51 ans, sait depuis 1986, sa mère le lui ayant révélé à sa majorité, qu'elle est la fille du roi Albert II de Belgique, dont la baronne Sybille de Selys Longchamps fut la maîtresse de 1966 à 1984, alors qu'elle-même était mariée (depuis 1962) au riche industriel Jacques Boël (écuyer du roi Albert Ier et très proche de son fils). L'existence de cet enfant illégitime du roi des Belges avait été révélée à quelques semaines du mariage princier de Philippe et Mathilde par un jeune journaliste flamand, Mario Danneels, dans la biographie non autorisée Reine Paola, de la dolce vita à la couronne. Paola, suite à la naissance de cette fille cachée, aurait envisagé de divorcer, avant de se raviser, au nom de la raison d'Etat.
Delphine Boël avait entrepris en 2013 de faire reconnaître la paternité d'Albert II, commençant par contester celle de son père adoptif Jacques Boël – lequel, après s'y être d'abord opposé, s'est soumis à un test ADN révélant qu'il n'en était effectivement pas le géniteur. Au terme de longues joutes procédurales, la cour d'appel de Bruxelles ordonnait le 25 octobre 2018 au roi Albert de se soumettre à un test ADN dans les trois mois, jugement que l'intéressé tentera de faire casser, mais son pourvoi sera finalement rejeté en décembre 2019.
Déshéritée par son père adoptif, Delphine Boël avait dès 2013 signalé qu'elle ne cherchait ni un père, ni argent, mais plutôt à mettre fin aux répercussions de l'affaire sur sa vie privée et professionnelle. En 2016, elle avait ainsi détaillé pour le chroniqueur royal Patrick Weber les "discriminations" auxquelles cette situation l'a confrontée, entre renonciation à exposer ses oeuvres et incidents bancaires. "Crever l'abcès est également important pour l'avenir de mes deux enfants", faisait-elle par ailleurs observer. En revanche, elle avait depuis longtemps fait une croix sur un éventuel apaisement à l'amiable avec son père biologique, qui avait coupé toute communication avec elle depuis 2001, une "rupture sans un mot d'explication".
Après tant d'années d'une filiation dans la clandestinité, l'heure est au soulagement pour la fille, toujours illégitime mais plus cachée, de l'ancien roi des Belges.
GJ