Elle fait ses débuts, il est parvenu à ses fins. Mais pour Elvira, "France Gall qui aurait avalé une tablette de speed ou Brigitte Bardot qui aurait enregistré avec les Hives" selon le label, Olivier Dahan fait son retour aux sources - le clip musical -, le temps d'une orgie de rock - et d'une orgie tout court.
Pour une nana qui prétend n'en faire que "Le Minimum", single extrait d'un premier album (Wagram / Alva / Run Fast) attendu pour le second trimestre 2014, Elvira met la dose pour son clip d'introduction : un réalisateur émérite, plébiscité et oscarisé (via Marion Cotillard dans La Môme), et la mise en scène d'une fête au bord de la partouze de jeunes. "Ce n'est pas moi qui prends les décisions tout seul, ça s'est imposé en parlant avec elle", expliquait le mois dernier le cinéaste à propos du thème "skin party" de la vidéo.
Version sexuée de Plastiscines ou version édulcorée d'une Izia, Elvira, moite dans son micro-short déchiré, son top from Berkeley et ses tatouages exhibés, crache effrontément son désir de se consumer dans les délices d'une vie d'excès, sans avoir à "sonner comme les Rolling Stones" (regardez bien, elle a aussi incrusté le Fab Four, avec son pin's I Love the Beatles), ni à vivre "une histoire avec Sharon Stone". Idéal dont l'envers, l'enfer, serait de trop en faire : "Je ne veux plus en faire des tonnes/ Mais comment faire/ Pour vous plaire/ Moi je fais le minimum, baby."
Incandescente, la blonde rebelle remontée dans une posture sixties n'a cure de "finir [s]a vie comme une loque", pourvu qu'elle incendie un présent où "il n'y a plus rien qui détonne", comme elle peste en lorgnant sans doute télé-réalité et musique formatée. Et visiblement, Olivier Dahan a bien compris le message. "J'essaie de servir au mieux la chanson et certainement pas ma personne. C'est ce que j'aime bien dans le clip : contrairement au cinéma, on se met au service de quelqu'un d'autre. Ça me manquait", expliquait en octobre à Next, supplément de Libération, le réalisateur à la clipographie riche d'une centaine de vidéos (dont quelques sommets : The Cranberries, Raphaël, Francis Cabrel, MC Solaar...). Et de développer : "Ça faisait longtemps. Il y a vingt ans j'en faisais souvent. J'ai toujours aimé ce format et j'adore la musique, donc je le fais toujours sérieusement. Ces dernières années, avec l'industrie de la musique qui est un peu azimutée et moi qui ai moins de temps, c'était compliqué, mais j'ai envie d'en refaire, oui."
Ecoeuré par son bras de fer concernant sa dernière réalisation mouvementée, Grace de Monaco, et l'histoire des "deux versions" qui en existent (la sienne, qu'il aimerait revendiquer, et celle que la production - Weinstein - veut lui faire signer pour la sortie), Olivier Dahan a semble-t-il trouvé une forme de libération en plus d'une forme de jubilation en mettant ses talents au service d'Elvira et en mettant en scène l'ivresse d'une jeunesse qui n'a pas peur de se brûler les ailes : "Venir ici et faire ce clip avec peu d'argent et plein de gens qui vont dans le même sens, ça m'a aéré, fait du bien. J'avais besoin de cet espace de liberté." Dans le détail, il analyse, toujours pour Next : "Je ne tourne plus comme je tournais il y a vingt ans, en faisant plein de plans. Le but ce n'est pas de faire de belles images, mais de ne pas couper la musique. Pour un clip comme celui-ci, j'ai envie que les images bougent, que les cadres soient approximatifs. On a tourné ça avec une petite caméra, on a fait quinze prises, et toutes sont différentes. Je voulais que ce soit comme un musicien qui fait un enregistrement brut, en une seule fois."
Qui peut le plus, peut le moins. Et réciproquement, qui peut le minimum, peut le maximum.