Propulsé en quelques années icône de la voile, qu'il a marquée de son empreinte à coups d'exploits en solitaire, de victoires marquantes et de records, François Gabart accuse un gros coup de barre - "une fatigue mentale et physique", dit-il, se refusant à "dissocier les deux". Derrière son forfait (annoncé cette semaine) pour la Transat anglaise, épreuve qu'il devait disputer à partir du 10 mars avec l'ambition avouée d'"aller chercher une victoire" comme en 2016, le skippeur de 36 ans révèle dans les colonnes du quotidien L'Équipe du mercredi 26 février 2020 les raisons profondes de cette décision et fait la cartographie de la période qu'il traverse. Au-delà d'une certaine usure liée à l'accumulation se posent des questionnements de "sens"...
"Prendre un peu de recul, je trouve ça assez sain", fait à juste titre observer le Charentais de naissance et Breton d'adoption, après "dix ans de course au large avec Macif" et "vingt ans de sport de haut niveau". Dans un monde dont les personnages peuvent, aux yeux des "terriens", passer pour des invincibles, il ne faudrait pas y voir un aveu de faiblesse, mais bien plus un gage de lucidité. "J'assume, c'est un sportif de haut niveau qui assume qu'il est fatigué et ne s'estime pas capable d'être performant. J'essaie juste d'être le plus cohérent et intègre avec moi-même", pose-t-il ainsi d'emblée lors de son entretien avec Stéfan L'Hermitte et Pascal Sidoine, sans vouloir à tout crin choisir un mot ("Burn-out, coup de mou, pause, régénération ?", lui suggèrent ses interlocuteurs) pour qualifier ce moment de sa vie et de sa carrière. "Lassitude, je ne sais pas si le terme est adapté, s'interroge d'ailleurs un peu plus loin le détenteur du record du tour du monde en solitaire (42 jours, 16 heures, 40 minutes et 35 secondes, marque établie en 2017). Ce qui est sûr, c'est que les notions d'envie et de plaisir sont également liées. Naviguer sur un trimaran comme Macif, c'est un truc de dingue, c'est difficile de s'en lasser. En revanche, je me pose des questions de sens par rapport à la compétition depuis pas mal d'années et plus encore ces dernières années."
Ça nourrit quelque chose de plus grand
Plus de dix ans après ses premiers coups d'éclat en solitaire, François Gabart ne cache pas avoir aujourd'hui "moins de choses à aller chercher" chez lui-même qu'auparavant et son "envie de naviguer en équipage dans les années qui viennent". Rassasié de victoires, le vainqueur prodigieux du Vendée-Globe en 2013, de la Route du Rhum 2014 ou encore de la Transat Jacques-Vabre 2015, ne fait dans son examen de conscience l'économie d'aucun facteur, y compris les plus personnels : "J'ai trois garçons, de 8 ans [Hugo, qui vit en Norvège avec sa mère Henriette, dont son papa est séparé, NDLR], 2 ans [Maël] et 6 mois [Titouan], ça influe forcément. (...) Plus jeune, je n'avais pas de doute. La compétition était un moteur. Aujourd'hui, j'ai du mal à percevoir l'intérêt d'un simple classement. À 36 ans, la compétition pour la compétition ne m'intéresse pas. Ça nourrit quelque chose de plus grand. Ça nous permet d'inventer des bateaux fabuleux."
Autant d'arguments auxquels son sponsor, Macif, avec qui le skippeur dit avoir eu "un échange sain", a été sensible. Il va désormais pouvoir profiter d'une "pause qui n'en sera pas une" pour déterminer son nouveau cap. "Je vais pratiquer mon métier d'une manière différente (...), observer, me remettre en cause. Depuis dix ans, je navigue avec un devoir de décision, de responsabilité, c'est intéressant de changer d'optique", annonce-t-il entre autres choses. Le "Petit prince des océans" a toutefois un horizon en point de mire : la mise à l'eau du nouveau trimaran en février 2021 et son retour à la compétition deux mois plus tard pour le tour de l'Europe en équipage.
François Gabart évoque sa "fatigue mentale et physique", une interview à retrouver en intégralité dans le quotidien L'Equipe du 26 février 2020 et sur lequipe.fr.