Jade Goody à son domicile d'Upshire dans l'Essex, le 21 février 2009.© Abaca
La vie de Jade Goody, symbole de la trash TV au Royaume-Uni, connaît un tournant dramatique quand elle tombe malade. En médiatisant son cancer de l'utérus, assurant par là-même à ses fils une meilleure éducation que celle qu'elle a reçue, elle se rachète une conduite devant tout un pays. Elle n'a que 27 ans quand elle décède le 22 mars 2009... devant les caméras. Sa disparition soulève une impressionnante ferveur nationale. L'ancien Premier ministre Gordon Brown va jusqu'à saluer sa mémoire et son courage.
Quatre ans après son décès, la Loana anglaise au tragique destin fait son entrée dans le prestigieux Oxford Dictionary of National Biography (BND) qui regroupe les notices biographiques de 58 5000 Britanniques - de John Lennon à la reine Victoria en passant par Winston Churchill - qui ont marqué le royaume. Jade Goody trône désormais à leurs côtés en tant que "participante à un jeu télévisé et célébrité". Cet ultime hommage n'est évidemment pas du goût de tout le monde....
L'âge de la grossièreté
Jeudi 3 janvier 2013, Robert Hardman, journaliste au Daily Mail, publie un long pamphlet contre l'entrée au BND de Jade Goody qu'il qualifie de "parfait symbole de cet âge de la grossièreté". Pour notre confrère, c'est un scandale qu'une jeune femme qui célèbre sa stupidité, un dérapage raciste et la maladie puisse prétendre à un tel honneur. "Lorsque de futurs historiens se demanderont à quel moment l'Angleterre a reconnu la grossièreté comme une vertu et le manque d'éducation comme une bénédiction plutôt qu'un handicap, alors cette publication du DNB leur servira de repère."
Née dans l'Essex en 1981, Jade Goody n'a pas eu une enfance heureuse : son père est un petit criminel qui meurt d'overdose en 2005 ; sa mère, une droguée paralysée d'un bras. Éducation : zéro. Jade Goody est persuadée que Saddam Hussein est un boxer (véridique) ; le Portugal, une région d'Espagne ; Sherlock Holmes, l'inventeur des toilettes. Elle se fait pourtant un nom grâce au programme Big Brother en 2002. En 2007, elle participe au Celebrity Big Brother dont elle se fait virer pour des insultes à caractère raciste envers l'actrice indienne Shilpa Shetty. Un mea culpa plus tard, Jade Goody participe au Big Brother indien, justement présenté par Shilpa Shetty. Après deux jours devant les caméras, elle apprend en direct qu'elle est atteinte d'un cancer de l'utérus. Sa vie bascule, ainsi que l'opinion à son égard.
Mais pourquoi donc Jade Goody ?
L'économiste Sir Alan Walters, l'actrice Natasha Richardson, l'écrivain J.G. Ballard (auteur du controversé Crash) intègrent cette année le prestigieux Oxford Dictionary of National Biography (BND)... tout comme Jade Goody ! Le Dr. Lawrence Goldman, éditeur du dictionnaire et historien à Oxford, s'explique : "Nous essayons d'être le reflet de la nation telle qu'elle est aujourd'hui. Nous ne compilons pas que les vies des meilleurs d'entre nous, mais de ceux qui ont compté, quelle qu'en soit la raison. Nous y avons ajouté des célébrités parce qu'elles font partie de nos existences." Selon le docteur Goldman, du fait de son passé, Jade Goody est le "symbole de la fracture sociale anglaise". À la fin de sa vie, il rappelle qu'elle s'est comportée "avec noblesse face à la mort" et qu'elle a "encouragé des milliers de femmes à se faire dépister contre le cancer de l'utérus".
Pour médiatiser sa maladie, Jade Goody fait appel à un spécialiste des médias, l'agent Max Clifford (aujourd'hui impliqué dans l'affaire de pédophilie Jimmy Savile). Il lui fait écrire des livres, laisse tourner les caméras aux pires moments de la maladie. Jade Goody s'offre un mariage de rêve avec Jack Tweed, une autre star de télé-réalité qui accumule les ennuis avec la justice, et vend les photos. Elle met de coquettes sommes de côté pour ses fils – Bobby et Freddie, aujourd'hui âgé de 9 et 8 ans – nés de sa relation avec l'animateur télé Jeff Brazier. Après le passage des impôts et des différents créanciers de la jeune femme, il resterait environ 400 000 livres de cet héritage.
Malgré ce destin hors norme, l'entrée de Jade Goody au BND ne s'est pas faite sans difficulté. Les personnalités sont choisies par un collège de 450 experts couvrant 43 panels de connaissances, de l'archéologie à la zoologie. Le nom de Jade Goody a bien été choisi par le panel Culture populaire et audiovisuel, mais personne n'a souhaité écrire sa notice biographique de 2000 mots. Le docteur Goldman a donc accepté de s'y coller. On peut y lire que Jade Goody était une femme sur laquelle "on pouvait toujours compter pour dire quelque chose d'inapproprié, bien que souvent comique."
Hasard de l'alphabet, dans l'éminent Oxford Dictionary of National Biography, Jade Goody se glisse entre le puritain réformateur du XVIIe siècle Hugh Goodyear et le physicien du XVIIIe Edmund Goodwyn.
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