Maquillage parfait, talons aiguilles, robes de soirée et longue chevelure, Jaiyah Saelua détonne dans le vestiaire de l'équipe de foot masculine des Samoa Américaines. Elle est la première joueuse de foot transgenre au monde à disputer un match de qualification à un mondial. Un symbole que la jeune femme espère porteur d'avenir...
Premier joueur transgenre
Jaiyah Saelua, de son véritable nom Johnny Saelua, est devenue un symbole dans le monde du football réputé pour son machisme et son homophobie à peine déguisée. Biologiquement homme, Jaiyah vit pourtant comme une femme au quotidien. Et au sein de la sélection des Samoa Américaines, elle occupe le poste de défenseur central. Au milieu de ses partenaires masculins. "Je ne me vois pas comme un symbole, une ambassadrice, confie-t-elle au site Internet de 20 Minutes qui l'a interviewée. Ça m'a été donné sans que j'aille le chercher. (...) Je le vis comme un honneur, ce titre de premier transgenre à jouer un match de qualification à une Coupe du monde. J'espère seulement être une voix pour les autres femmes transgenres qui se sentent limitées dans leur pays."
Son histoire, c'est aussi celle de la sélection de ce petit archipel du Pacifique et ses 56 000 habitants, considérée comme la pire équipe de l'histoire du foot et qui détient le record de la plus lourde défaite, 31-0 lors d'un match face à l'Australie, en qualification pour un mondial. Dans un documentaire, Next Goals Wins, Une équipe de rêve en français, on découvre une équipe dont la passion du jeu est l'élément central de la motivation, un dépassement de soi vécu en communauté. Et peu importe si Jaiyah fait partie de l'équipe. Contrairement à "l'Occident", elle est considérée comme une joueuse comme les autres, un défenseur dur sur l'homme adepte du tacle glissé... "Ça en dit long sur la société occidentale. Ils revendiquent leur développement, leur civilisation. Mais ils ont encore beaucoup à apprendre", note la jeune femme.
"Demi-Dieux"
Car aux Samoa, Jaiyah Saelua est une Fa'afafine, sorte de demi-dieu dans la culture locale. Littéralement, Fa'afafine signifie "nous sommes les femmes" ou "féminité". Si le terme "transgenre", très connoté en Occident, ne plaît pas à Jaiyah, "le mot Fa'afafine a un sens très positif" : "Ils sont très respectés aux Samoa. Historiquement, ils sont vus comme un genre supérieur aux femmes et aux hommes, presque comme des demi-dieux. La colonisation, la religion ont un peu changé tout ça, mais ce respect reste."
Un respect qui parfois s'estompe sur les terrains de football, comme elle l'explique à 20 Minutes, mais pas pour son statut de transgenre : "Ça arrive tout le temps, et c'est lié au fait d'être un athlète. Ça arrive à tout le monde, c'est une part de la culture du jeu. Être un transgenre fait simplement de moi une cible plus facile." Mais peu importe. Jaiyah Saelua continue à jouer au foot, sa "passion".
"Dur de changer le football"
Si elle se montre pessimiste sur l'avenir des transgenres joueurs de foot en Europe, Jaiyah estime que l'avenir leur donnera raison : "En dehors du foot, les femmes transgenres commencent à émerger. Regardez Laverne Cox, la première transgenre à faire la couverture de Time. Regardez Carmen Carrera, Janet Mock... Ce sont des gens qui font avancer la cause transgenre et qui donnent aux plus jeunes l'espoir d'avoir du succès. Le football a une culture très ancrée, parce que c'est un des sports les plus vieux, et c'est très dur de changer les choses."
Quant à savoir si elle pourrait jouer avec une équipe féminine, la réponse est simple : oui, mais non. Jaiyah Saelua a fait le choix de jouer avec les hommes. Mais avec une opération, chère, et un délai de deux ans avant de pouvoir retaper la balle, il est tout à fait possible de le faire. "Mais celui qui veut, il doit comprendre qu'il a un avantage ! Il faut faire un traitement qui rétablira l'équilibre. C'est mon opinion personnelle. Beaucoup de transgenres femmes doivent comprendre qu'on ne peut pas attendre que le monde nous épargne parce que nous sommes transgenres. Ça ne fait pas de vous quelqu'un de spécial, il y a des règles à suivre", rappelle-t-elle, lucide. Et d'ajouter : "L'éducation, c'est parler à la communauté, c'est la seule façon pour qu'on se sente bien dans sa peau et qu'on ait du succès dans sa vie."
Jaiyah Saelua, un entretien vidéo à retrouver sur le site de 20Minutes.fr