Qui l'aurait cru ? L'abbé Pierre, fondateur d'Emmaüs et de la fondation Abbé Pierre pour le logement des défavorisés, n'avait finalement pas toutes les qualités pour être élu, à 17 reprises, personnalité préférée des Français. S'il était dévoué aux autres, l'abbé Pierre n'a pas toujours fait le bien. Dans un rapport commandé par Emmaüs et dirigé par le cabinet Egaé, expert de la prévention des violences, sept femmes affirment avoir subi des attouchements et des agressions sexuelles de la part de l'abbé Pierre sur une période allant des années 1970 à 2005, soit deux ans avant sa mort.
Difficile de croire que cette figure publique, qui a tant donné pour les autres et placé le bien d'autrui avant le sien, soit capable de telles choses et pourtant... Les témoignages sont édifiants : "Une fois, en 2005, nous étions à Florence, il était alors en fauteuil roulant. Lorsque je suis allée le saluer, il m'a touché les seins" indique l'une des femmes interrogées. Une autre affirme avoir subi la même chose, lorsqu'elle était "avec lui, dans son bureau" : "Ça m'a surprise, en même temps, je n'ai pas osé faire une réflexion." Une autre, fille d'un ami de l'abbé Pierre, affirme qu'il lui a "introduit sa langue dans [sa] bouche, d'une façon brutale et totalement inattendue" apprend-on dans Libération.
Au-delà de ses attouchements, l'abbé Pierre ne s'est pas arrêté là : "Il a continué à m'écrire par courrier, à me téléphoner. Il disait vouloir me rejoindre" poursuit une victime dont les propos ont été rapportés par le Parisien. Si l'on ne peut que se réjouir de la libération de la parole, la vérité tardive reste difficile à entendre. D'autant plus quand on apprend que certaines personnes de l'entourage de l'abbé Pierre étaient apparemment au courant.
Tout le monde ne tombe apparemment pas des nues en écoutant les témoignages de ces femmes, parfois mineures au moment des faits, car la "situation était connue de plusieurs personnes". "L'icône de la charité trainait derrière elle une réputation sulfureuse, celle d'aimer les femmes. Mais d'une manière particulièrement détestable à l'aune de ce que l'on apprend aujourd'hui" écrit Libération. Une victime affirme avoir reçu cette réponse quand elle a informé les dirigeants de 1992 : "Ils m'ont dit 'On pensait qu'il s'était calmé' et que je n'étais pas la seule dans les secrétaires" lit-on dans Le Parisien.
Les personnes travaillant dans les rangs proches de l'abbé Pierre avaient été mises en garde comme Libération le fait savoir : "Certaines étaient informées que l'abbé Pierre avait un comportement inadapté envers les femmes, sans forcément prendre conscience de la réalité des violences commises." On apprend également qu'une "salariée de l'époque a indiqué que la consigne était donnée à ses collègues féminines de ne pas aller voir l'abbé Pierre seule. Elle dit être toujours allée le voir en étant accompagnée et précise qu'il ne s'est jamais rien passé."
Si l'abbé Pierre, disparu en 2007, à l'âge de 94 ans, ne pourra jamais répondre de ses actes, l'affaire pourrait ne pas être sans conséquence pour l'organisation Emmaüs qui pourrait voir son nom changé à l'avenir. L'une des conséquences possibles de ce scandale. Mais rien à côté de la douleur des victimes.