Une grande voix et une légende du Metropolitan Opera de New York s'est éteinte : la soprano italo-américaine Licia Albanese est morte vendredi 15 août 2014 à l'âge de 105 ans à son domicile de Manhattan, selon une annonce faite lundi par sa famille et relayée par l'AFP. Star mondiale de l'art lyrique, renommée pour ses incarnations des grandes héroïnes de Verdi et Puccini (en particulier Cio-Cio-San dans Madame Butterfly, son premier rôle sur la prestigieuse scène new-yorkaise), elle avait chanté 427 fois au Met en 26 ans, dans 16 opéras, interprétant 17 personnages entre 1940 et 1966. Elle y avait incarné notamment 87 fois la Violetta de La Traviata de Verdi, record inégalé à ce jour.
Née en 1909 dans les Pouilles (Sud-Est de l'Italie), à Torre a Mare dans la périphérie de Bari, Licia Albanese avait débuté sa carrière dans les années 1930, se faisant remarquer en 1934 à Milan à la faveur d'un remplacement dans le rôle qui allait devenir son personnage emblématique : Cio-Cio-San, alias Madame Butterfly dans l'opéra éponyme de Puccini, geisha qu'elle interprétera à plus de 300 reprises en 40 ans de carrière.
Ses débuts officiels eurent lieu peu après (selon les versions, soit la même année au théâtre municipal de Bari dans La Bohème, soit à Parme, soit encore l'année suivante à la Scala de Milan dans le même chef-d'oeuvre de Puccini), et, outre l'Italie, son talent eut tôt fait de gagner les scènes de la France et de l'Angleterre également, avant de conquérir les Etats-Unis. C'est le 9 février 1940 que Licia Albanese entame, en Madame Butterfly, son histoire d'amour de 26 années (1940-1966) avec le Met de New York. Après 427 représentations et une success story fantastique, elle quitta l'antre lyrique new-yorkais un peu tristement, sur une brouille avec le directeur Sir Rudolf Bing.
Naturalisée américaine en 1945, la cantatrice d'origine italienne officie aussi, parallèlement à ses exploits new-yorkais et ses diverses représentations à travers le pays (récitals, galas de charité, soutien aux troupes, etc.), à l'Opéra de San Francisco pendant 20 saisons, de 1941 à 1961, à raison de 22 rôles et 120 performances. "J'ai toujours changé à chaque représentation. Il n'y avait jamais de lassitude, et je suis contre le fait de copier. Ce que j'ai appris des grands chanteurs, ce n'est pas à copier, mais que le drame se tient dans la musique", avait-elle confié en 2004 au sujet de ses rôles si souvent tenus au San Francisco Chronicle. Appréciée pour son sens musical exceptionnel et la texture émotionnelle de ses compositions, elle avait un talent unique pour "connecter la technique aux émotions", selon des commentaires d'Alfredo Vecchio en 1986.
Mariée au banquier d'affaires Joseph Gimma, elle avait fondée en 1974 la Fondation Licia Albanese-Puccini, pour aider les jeunes chanteurs par le biais de bourses ou de formations. Le chanteur Donald Braswell II, finaliste du télé-crochet America's Got Talent en 2008, a notamment fait partie des centaines de bénéficiaires.
Même après sept décades d'une carrière qui l'avait vue créer "la plus fragile Mimi, la plus tendre Butterfly et peut-être la plus obsédante des Violetta modernes", selon Schuyler Chapin (ancien vice-directeur du Met et chargé d'affaires culturelles de la mairie de New York, décédé en 2009), Licia Albanese avait continué à se produire occasionnellement dans les années 1980.
Le 5 octobre 1995, le président Bill Clinton la décorait de la médaille d'honneur nationale des Arts, et en 2000, le maire de New York Rudolph Giuliani lui décernait le plus grand honneur de Big Apple, le Handel Medallion.