Après trois ans de procès, de rabibochages de fortune et de reprises des hostilités, d'agressions verbales, de petits arrangements entre amis et de visites intrusives à son domicile, Liliane Bettencourt, 89 ans, est peut-être bien lassée de tout ce pataquès judiciaire. Mais si elle se dit prête aujourd'hui à se plier - provisoirement et "dans un souci d'apaisement" - à la décision de sa mise sous tutelle, elle ne veut pas rendre les armes dans le bras de fer qui l'oppose à sa fille Françoise Bettencourt-Meyers, laquelle avait mis le feu aux poudres en décembre 2008 en s'en prenant au photographe François-Marie Banier et en discutant la santé psychologique de sa mère.
La fille a fini par avoir raison - pour l'instant - de l'opiniâtreté de la mère : le 17 octobre 2011, l'héritière L'Oréal était placée par la juge des tutelles de Courbevoie (Hauts-de-Seine) Stéphanie Kass-Danno sous la tutelle de Françoise Bettencourt-Meyers et des deux fils de celle-ci, ses petits-fils Jean-Victor et Nicolas, en ce qui concerne son patrimoine, et plus spcéifiquement sous celle de l'aîné, Jean-Victor, pour ce qui est de sa vie quotidienne et de ses décisions. "Je n'ai plus qu'à mourir", avait réagi la milliardaire, détentrice de la 15e fortune mondiale, à l'annonce par son avocat de ce placement sous tutelle, elle qui avait anticipé cette issue en déclarant qu'elle "n'aurait peut-être plus envie de vivre" si elle tombait sous la coupe de sa fille.
Récemment hospitalisée pour une pneumopathie que certains ont mis sur le compte de sa détresse face à la situation, Liliane Bettencourt n'est toutefois toujours pas assez accablée pour ne pas ruer dans les brancards et contester l'autorité octroyée à sa fille. Vendredi 4 novembre, elle a ainsi demandé par la voie de son avocat Me Jean-René Farthouat un aménagement provisoire de son placement sous tutelle, afin d'être placée sous la protection exclusive de son petit-fils de 25 ans Jean-Victor Meyers et d'écarter sa fille Françoise de la gestion de son patrimoine. Avec tout de même une contradiction : même si elle y parvient, Jean-Victor n'en demeurera pas moins le fils de sa mère. A 25 ans, pourrait-il dans cette configuration être un tuteur réellement indépendant ? Au cours de l'audience, qui a duré quatre heures, Françoise Bettencourt-Meyers a notamment dénoncé "un certain acharnement" à vouloir écarter Nicolas et elle de la tutelle.
La requête a été formulée lors d'une audience à huis-clos auprès de la cour d'appel de Versailles, saisie en référé sur l'exécution provisoire (l'application immédiate, nonobstant toute procédure d'appel) décidée par la juge Kass-Danno du placement sous tutelle de la milliardaire, avant l'examen de celui-ci en appel - formé par les conseils de Liliane Bettencourt et son ancien protecteur judiciaire Me Pascal Wilhelm - d'ici plusieurs mois. Car si l'octogénaire accepte provisoirement de se plier à cette décision "dans un souci d'apaisement" et demande à ce titre cet aménagement visant à déposséder sa fille, qu'elle a déjà taxée d'être vénale, de l'autorité sur son patrimoine, elle n'a toutefois toujours pas renoncé "à contester le principe même de la mesure de tutelle dont elle a été l'objet", a souligné son avocat. Une mise sous tutelle qui pourrait sonner le glas de son mandat d'administratrice du géant des cosmétiques L'Oréal, dont elle est la première actionnaire.
Le premier président de la cour d'appel de Versailles a mis son jugement en délibéré au 18 novembre, enjoignant au passage les deux parties à se rapprocher pour une conciliation. Encore...