Petit à petit, la honte change de camp. Depuis l'éclatement de l'affaire Kouchner, de nombreuses victimes d'inceste livrent leurs témoignages. Quarantenaires, cadres, employés, adolescents, jeune adultes, artistes et même politiques : tant de victimes issues de différents milieux ont raconté leurs agressions. Avec le hashtag #MeeTooInceste, la porte-parole de Génération Écologie, Loubna Meliane, a expliqué avoir été violée régulièrement par son père étant enfant.
"J'avais 9 ans. Je n'oublierais jamais ce sentiment de honte, de culpabilité, de vulnérabilité. Il s'appelle Khalid Meliane, c'était mon père. Il m'a violé jusqu'à mes 17 ans", a-t-elle tweeté, le 18 janvier 2021. Une semaine après le début de ce mouvement de libération de la parole, la conseillère régionale d'Ile-de-France a participé à l'émission C Politique, sur France 5, le dimanche 24 janvier 2021.
"J'étais indignée par l'indifférence de ces adultes. J'avais l'impression que l'histoire se répétait (...) Cette fois-ci, je ne peux pas rester silencieuse. J'ai la chance d'avoir pu porter plainte. J'ai la chance qu'il ai pu être condamné même s'il n'a jamais fait un jour de prison. Il s'est enfuit", a déploré la co-fondatrice de l'association Ni putes ni soumises. Comme d'autres victimes, Loubna Meliane n'avait pas conscience d'en être une, malgré les témoignages auxquels elle pouvait être confrontée via son engagement féministe.
Témoigner était donc primordial. "J'avais envie de me dévoiler telle que j'étais. Il n'y a pas de honte. Surtout, il y a toute une génération qui a été sacrifiée. C'est notre devoir que de témoigner, encore et encore", poursuit Loubna Meliane, qui se réjouit que la nouvelle génération sache ce qu'est l'inceste, pour mieux le prévenir.
Bien souvent quand les victimes brisent le silence, elles se préparent à faire le deuil d'au moins une partie de leur famille. "J'ai grandi avec des oncles, des tantes, des cousins, des cousines... Je n'ai reçu aucun coup de fil. Aucun coup de fil de personne (...) Il a fallu faire le deuil. Pendant longtemps je me suis sentie vraiment seule, sans famille, et ça c'est le plus violent. Je crois que c'est ça qui est le plus difficile", a déploré Loubna Meliane, qui s'est aujourd'hui reconstruite. "Moi, il m'a fallu des années pour me dire : 'en fait, ce n'est pas mon père. C'est mon géniteur, mais ce n'est pas mon père. Devenir père, ça se mérite".
Oriane Alcarini