Depuis son Oscar de la meilleure actrice pour La Môme (2007), l'histoire entre Marion Cotillard et la France est compliquée. Courtisée par les studios, elle s'est illustrée chez Michael Mann, Rob Marshall, Christopher Nolan, Woody Allen, Steven Soderbergh et même David Lynch, le temps de publicités Dior incroyables.
Nouvelle coqueluche du cinéma hollywoodien haut de gamme, Marion Cotillard s'est rarement laissée dompter par les réalisateurs français ces dernières années. À vrai dire, Guillaume Canet restait son dernier lien concret avec le cinéma français, acteur dans Le Dernier Vol (2009) et réalisateur des Petits Mouchoirs (2010). Mais la fracture était annoncée : tenté à son tour par l'aventure américaine, il prépare actuellement Blood Ties, remake des Liens du sang (2008) avec Mila Kunis, Clive Owen et Zoe Saldana.
Rappeler la star dans le cinéma français était un défi que peu d'élus semblaient capables de relever. Parmi eux, Jacques Audiard, réalisateur césarisé à deux reprises. De rouille et d'os raconte l'histoire d'amour entre un boxeur marginal et une dresseuse d'orques privée de ses jambes à la suite d'un accident. Un rôle fort pour lequel Marion Cotillard a dû se battre : "Le film de Jacques Audiard est un film volé au temps. Je tournais déjà le prochain Batman [The Dark Knight Rises] dans lequel j'ai plutôt un petit rôle, et les dates se chevauchaient. Par chance, par coïncidence, j'avais un mois de break. Mais le contrat avec les Américains ne m'autorisait pas à tourner le film d'Audiard. Pour les assurances, et parce qu'il n'y a rien de bon à tourner deux films en même temps. Je suis la première à ne pas aimer ça. On a fait le début du tournage en cachette. Comme les Américains regardent de près ce que fait Audiard depuis Un prophète, on avait préparé des annonces, mais on avait menti sur les dates, expliqué que j'avais un tout petit rôle. Malgré ça, j'étais terrorisée à l'idée qu'ils l'apprennent. Un article a fini par sortir dans Variety, révélant le pot aux roses."
"À partir de là, j'ai été une complication sur le tournage. Dès que les Américains me rappelaient, il fallait que j'y aille. J'ai su faire au final, et je sais que Jacques aussi, avec le peu de temps que je pouvais lui donner en préparation. Ça a créé une tension. Réelle. Palpable." Pour cinq semaines de tournage avec les orques, l'actrice n'a pu débloquer que cinq jours pour s'habituer à la présence impressionnante de ces animaux qu'elle compare à "des autobus dans une baignoire".
À Obsession, le supplément du Nouvel Observateur, elle parle aussi du choc de sa rencontre avec Matthias Schoenaerts, révélation de Bullhead (2011) et son partenaire dans De rouille et d'os : "J'ai présenté Matthias à Michael Mann à Los Angeles. Le lendemain, il m'envoyait un mail pour me dire combien cette rencontre avait été une révélation. C'était évident : Mattias est magnétique. Je peux l'avouer, les premières scènes que j'ai eues avec lui m'ont fait peur ; il est tellement présent." Preuve qu'elle est sincère : le comédien belge est annoncé dans Blood Ties, dont le tournage approche.
D'ordinaire réservée sur son intimité, elle se laisse aller à quelques confessions sur son rôle de mère : "C'est le premier film que je tourne depuis que je suis mère. Et ça a été extrêmement compliqué. Mon fils avait 5 mois, et il a fallu que je l'allaite durant tout le film. J'ai pour méthode de me plonger dans mes personnages, de manière intégrale, mais Stéphanie [son rôle dans De rouille et d'os] n'a rien de maternel. D'un coup, ça devenait troublant. Sur le plateau, j'étais double : il y avait Marion l'actrice et Marion la mère de mon fils. Chaque fois que je plongeais à l'intérieur de Stéphanie, je voyais un abîme. (...) J'avais besoin de mon fils Marcel, qui me rappelait à la réalité toutes les cinq heures, pour ne pas partir tout à fait ailleurs. J'ai rarement été aussi déstabilisée et bouleversée dans ma manière d'être sur un plateau."
Avec la sortie du blockbuster The Dark Knight Rises de Christopher Nolan le 25 juillet et la présentation du film de Jacques Audiard en sélection officielle du Festival de Cannes 2012, le retour de Marion Cotillard représente à la perfection les deux tendances de sa carrière, menée par son amour des auteurs contemporains. Chose qu'elle est la première à confirmer : "J'ai refusé beaucoup de choses à Hollywood. Car il me faut un cinéaste pour pouvoir jouer : si je joue pour la machine, je deviens à chier." Au vue de ses récentes prestations à l'écran, force est de constater que Marion Cotillard suit avec précision son code de conduite.
Retrouvez l'interview de Marion Cotillard dans Obsession, en kiosques le 26 avril 2012.