Rencontrée au sortir d'un copieux déjeuner cannois, Michèle Laroque s'est confortablement installée dans un sofa pour voyager, le temps d'une bonne vingtaine de minutes, dans sa carrière, ses rencontres, ses désirs de comédienne, tout en n'oubliant pas d'évoquer ce pour quoi l'actrice de 53 ans a monté les marches en cette 67e édition : son projet de long métrage, Jeux Dangereux, réalisé par son amie Laurence Katrian.
Directe et pimpante, Michèle Laroque nous explique d'emblée de quoi il retourne : "Il s'agit d'un film atypique dans la mesure où quand j'ai eu cette idée, on a décidé sur deux lignes de pitch de faire une campagne de financement participatif. Je trouvais ça tellement génial que le public puisse participer au film, parce que ça parle d'eux, de nous." Vivante et comme épanouie grâce à l'investissement qu'elle a mis dans le projet, Michèle Laroque s'est aussi souvenue de cette "longue campagne de 5 mois pour amasser plus de 400 000 euros, soit la troisième plus grosse somme au monde pour un tel projet". Au côté de Laurence Katrian, elle nous avoue vouloir tourner ce film pour novembre.
Consciente de bousculer les idées préconçues en matière de production, Michèle Laroque peut se féliciter d'avance du résultat. "On n'est pas du tout habitué à ça en France, croit-elle savoir. Si j'étais Américaine, j'aurais réuni 5 millions en quelques minutes. Il fallait convaincre les gens que c'était juste pour partager notre rêve, les entraîner sur notre planète, et non parce qu'on manquait d'argent. On a été voir le public comme on aurait été voir des producteurs." Face à cette nouvelle manière de concevoir un film, le tandem a quelque peu avancé dans le brouillard : "On devait faire différemment parce qu'on a 2000 coproducteurs, avec plein de bonnes énergies, alors que par exemple, c'est le premier long de Laurence [Katrian]." "De plus, c'est une première mondiale, les bénéfices seront reversés à des associations caritatives, surenchérit la productrice et actrice de Jeux Dangereux. Cela donne un tout vraiment atypique, un vrai mélange, un bébé un peu fou."
Une aventure démente
"J'étais en tournée avec Pierre Palmade, donc j'ai profité de ce temps pour aller dans les cinémas de chaque ville où on jouait le soir pour rencontrer le public", nous confie la comédienne. Elle poursuit : "C'était incroyable, il y avait des gens de tous les âges, de tous les milieux sociaux, qui ne se seraient pas adressé la parole autrement. C'était timide au début, et puis chacun proposait son aide, je peux donner ça ou ceci, un décor ou participer là. La communauté s'est créée là, devant mes yeux", se remémore-t-elle, ajoutant que "la campagne a été démente mais aussi fatigante car beaucoup de boulot".
Ce projet lui a fait adopter le credo suivant : "Il faut s'ouvrir plus que changer." Pour elle, "le système français est délicieux pour financer certains films", mais "il faut s'ouvrir à tout, tester, s'adapter, essayer d'avoir des idées, être le plus libre possible". A Cannes, Michèle Laroque et sa réalisatrice avaient ainsi "ramené deux coprod' tirés au sort pour monter les marches". "C'était dément", commente-t-elle.
Ses souvenirs cannois
"Mon meilleur souvenir, c'était de venir fêter le succès de Pédale Douce. Cannes a été une énorme fête pendant trois jours", dit-elle avant d'évoquer furtivement sa première sélection pour Louis, enfant roi, de Roger Planchon. Originaire de Nice, où elle a grandi, voisine de Cannes d'une vingtaine de minutes, Michèle Laroque aurait pu être bercée au rythme de l'annuel rendez-vous cannois. "Pas du tout, lâche-t-elle. Je ne voulais pas être actrice, j'aimais les comédiennes dans les films, mais pas sur les marches." Elle se souvient pourtant d'un passage furtif sur la Croisette avec une amie d'enfance, Valérie : "J'avais vu, par hasard, Sophia Loren monter les marches. J'ai vu la lumière, quelqu'un de magnifique avec une aura." Une révélation.
Jugnot, Auteuil, Depardieu... ses amours de comédie
Femme d'expérience, on aurait tendance à oublier qu'à l'instar des Isabelle Adjani, Sophie Marceau ou autres, Michèle Laroque a tourné aux côtés des plus grands. "J'ai été très aidée par eux. Ce sont des comédiens incroyables, ça te fait bien jouer. Tu as juste à écouter, et tu réponds. Ils t'amènent à un autre niveau", constate l'intéressée, évoquant au passage ces "partenaires exceptionnels, humainement parlant".
Elle garde également un souvenir très particulier de Gérard Depardieu, avec qui elle a joué dans Le Plus Beau Métier du monde ou encore Le Placard. "Je le vois rarement, mais je garde une merveilleuse relation avec lui", précise Michèle Laroque, évoquant un homme "très à l'écoute, très généreux, qui observe". "Il m'avait fasciné quand on a tourné ensemble, parce qu'il savait tout sur l'équipe. Il est proche d'un médium, il veut savoir qui il a en face de lui", se souvient-elle. Quant à la polémique, Michèle Laroque souhaite tempérer. "Il y a beaucoup de désinformation, j'en ai moi-même été victime", prévient-elle tout d'abord, avant d'assurer que Depardieu "est quelqu'un qui s'est toujours bien comporté". La compagne de François Baroin conclut : "C'est facile de juger avec plein de raccourcis. Il faudrait qu'on sache mieux les vrais tenants et aboutissants avant d'émettre une opinion."
Christopher Ramoné