Après la disparition d'Andrzej Żuławski en février, le cinéma polonais a perdu une autre de ses figures mythiques. Le célèbre metteur en scène polonais Andrzej Wajda est mort dimanche soir à Varsovie à l'âge de 90 ans, ont annoncé ses proches et plusieurs médias nationaux. Décédé d'une insuffisance pulmonaire, il était hospitalisé depuis plusieurs jours et se trouvait dans un coma pharmacologique, selon un proche de la famille. "Nous espérions qu'il en sortirait", a dit le scénariste et metteur en scène Jacek Bromski sur la chaîne privée TVN24.
Cinéaste engagé, figure avant-gardiste du cinéma polonais dès les années 50, notamment le très cru Une fille a parlé, Wajda a largement marqué son pays par le ton de ses films, la critique sous-jacente de la propagande communiste, de la bêtise humaine ou de la compromission politique, le tout sous des formes romantiques virant parfois à la fresque historique. Auteur d'une cinquantaine de films, le réalisateur polonais, fils d'une institutrice et d'un officier tué en 1940 lors du massacre de Katyń (qui fut orchestré par les Soviétiques et camouflé en crime de guerre allemand), avait remporté ex-aequo avec Ingmar Bergman le Prix du Jury à Cannes en 1957 avec le bien symbolique Ils aimaient la vie, avant de filer vers la consécration avec deux nominations à l'Oscar du meilleur film étranger, en 1976 pour La Terre de la grande promesse et en 1980 pour Les Demoiselles de Wilko.
En 1981, il remporte la Palme d'or avec L'Homme de fer, l'histoire d'un ouvrier marqué par la mort de son père qui milite en faveur des droits sociaux pendant les grèves des chantiers navals de Gdańsk au début des années 80. Wajda, alors proche de Lech Walesa et du mouvement Solidarność, est consacré aux quatre coins du monde, devenant un cinéaste incontournable dans une Europe en pleine mutation.
L'année suivante, il débarque en France pour y réaliser un film sur les derniers jours de Danton, incarné par Gérard Depardieu, et remporte le César du meilleur réalisateur ainsi qu'un BAFTA du meilleur film étranger. Viendront ensuite les prix d'honneur, à la pelle. Auréolé d'un César d'honneur en 1992, il s'offre un Lion d'or en 1998, un Oscar et un BAFTA en 2000, ainsi qu'un Ours d'or en 2006.
Dans Katyń (nommé à l'Oscar du meilleur film en langue étrangère en 2008), un film qui traite du fameux massacre de 1940, Wajda rend hommage à son père ainsi qu'aux 22 000 autres soldats et résistants ayant perdu la vie à cette occasion. Le cinéaste était alors secondé par sa femme Krystyna Zachwatowicz, actrice, metteur en scène et scénographe, tout comme pour Tatarak (2009) et L'Homme du peuple (2013).
Son dernier long métrage, Powidoki (Après-image), dévoilé en septembre au Festival de Toronto (Canada) et pas encore sorti en salle, sera le candidat polonais à l'Oscar (soit une potentielle 5e nomination). Wajda y raconte les dernières années de la vie d'un peintre d'avant-garde et théoricien de l'art, Wladysław Strzeminski, en lutte contre le pouvoir stalinien. Engagé même à 90 ans, Wadja y aurait signé une métaphore de la Pologne actuelle dirigée par les conservateurs du Droit et Justice (PiS) selon certains critiques.