Charlotte Gainsbourg : Un an après la mort de sa mère Jane Birkin, la bataille d'une orpheline !

Au 5 rue de Verneuil, l'ancienne maison de Serge Gainsbourg située au coeur de Paris, le temps semble s'être arrêté il y a 33 ans, lorsque le propriétaire des lieux a tiré sa révérence. C'est ainsi que sur une table basse subsistent encore dans un cendrier les mégots des dernières Gitanes fumées par le chanteur.

C'est sa fille, Charlotte, qui l'a voulu ainsi, qui est parvenue après des années de combat à faire de cette demeure dans laquelle elle a grandi un musée en l'honneur de son père. Cela a d'abord été un combat intérieur, elle qui a longtemps hésité à partager avec le public cette intimité qui lui rappelait son enfance. Et puis l'autre combat s'est imposé, celui pour l'entretien de sa mémoire. C'est ainsi qu'en septembre dernier, ce projet de transformer cette maison, de l'ouvrir au public, qu'elle mûrissait depuis des décennies, s'est enfin concrétisé, même s'il connaît encore aujourd'hui des difficultés. C'était deux mois et quatre jours seulement après que sa maman, Jane Birkin, avait quitté définitivement la scène. Tout un symbole.

"C'est compliqué pour moi d'analyser comment le temps opère. Ma mère, mon père, Kate et moi avons formé une famille. Et je suis la seule qui reste. C'est bizarre d'être orpheline... et, à la fois, je ne me sens pas totalement seule", analysait Charlotte Gainsbourg en avril dernier dans le magazine Elle. De fait, elle n'est pas seule, et c'est pour tous ceux qui ont aimé ses parents que la femme d'Yvan Attal se bat désormais. Pour Serge, pour Jane, il y a une vie après la mort, et c'est Charlotte qui a décidé de maintenir cette vie.

"Après le départ de ma mère, racontait-elle encore à nos consoeurs du Elle, j'ai vraiment compris ce que signifiait d'être aimé par un pays tout entier. J'ai rencontré beaucoup de femmes qui m'ont dit ce qu'elle avait représenté pour elles. Son côté humaniste, les associations qu'elle a aidées. Son charme, sa voix... Pour moi, elle est un modèle. En sortant de l'église, je n'oublierai jamais la foule, et, avec Lou, on a regardé tout ce monde. Pour mon père, je n'avais regardé personne."

"Pour (son) père", Charlotte était très jeune, c'était l'année de ses 20 ans. Mais au fond d'elle, elle savait déjà qu'elle voulait pérenniser l'existence de son célèbre géniteur. Peu après ses funérailles, en 1991, elle avait racheté à Natacha et Paul, les enfants méconnus que Gainsbourg avait eus avec sa première femme, Françoise Pancrazzi, ainsi qu'à Lucien, né de l'histoire du musicien avec Bambou, les parts de la maison de Verneuil. "J'ai été la seule à vouloir la figer", affirmait-elle en septembre dernier au Monde.

Pour ce faire, elle prend soin de mettre à l'abri les plus belles oeuvres d'arts de la propriété, comme un tableau de Dali ou le manuscrit original de la Marseillaise et conserve tout le reste dans la maison, qu'il s'agisse de boîtes de conserve ou de somnifères dont son père faisait usage, mais aussi de parfums ou de produits de beauté ayant appartenu à Jane et que le chanteur avait souhaité garder.

Mais l'entretien de la mémoire, c'est aussi celui de l'oeuvre, gigantesque et géniale, de l'homme à la tête de chou. De ce point de vue, la compagne d'Yvan Attal, qui n'est toujours pas son épouse, a choisi de s'entendre avec ses frères et soeurs. Les droits d'auteurs de Gainsbourg sont ainsi gérés par la société d'édition Melody Nelson, qu'ils possèdent tous les quatre. S'ils ne rechignent pas à donner leur accord à des artistes pour des reprises, il n'en va pas de même pour des usages commerciaux ou publicitaires pour lesquels ils sont bien plus regardants.

C'est qu'au-delà de l'artiste, la fille ne veut pas dévoyer l'image de son père. Un homme qu'elle a toujours défendu. En octobre 2019, dans un entretien accordé au journal anglais The Guardian, elle reconnaissait : "Tout aujourd'hui est si politiquement correct, si ennuyeux, si prévisible. Mon père serait censuré à chacun de ses choix". Elle ajoutait néanmoins qu'en dépit des apparences, "il se souciait beaucoup de ce que les gens ressentaient et pensaient lorsqu'on le critiquait". Lorsqu'en avril 2024, le Figaro Madame demande à l'actrice si MeToo aurait privé Gainsbourg de sa liberté de choquer, elle répond du tac au tac, comme heurtée par cette question : "La vie sans provocateurs serait d'un ennui mortel. Après, je trouve ça injuste de ramener mon père à MeToo. Il faut faire la différence entre provocateurs et agresseurs."

Faire perdurer la mémoire de son père dans l'esprit du public, tel était aussi l'objectif de la pose de cette plaque commémorative, en mars 2016, 25 ans après sa mort. Charlotte était alors accompagné par sa mère Jane lorsque la maire de Paris, Anne Hidalgo, a dévoilé au 11 bis rue Chaptal cet objet sur lequel sont encore inscrits ces mots : "Serge Gainsbourg (1928–1991), artiste majeur du XXe siècle, passa son enfance dans cet immeuble et trouva dans ce quartier ses premières inspirations."

Désormais, la voici donc "orpheline", ainsi qu'elle se définit. Et il ne fait aucun doute que ce 16 juillet, elle était tout à Jane Birkin, elle qui déjà, le 16 mars, postait sur Instagram une photo en noir et blanc de sa mère jeune faisant la couverture de Madame Figaro Japon. "9 months" avait sobrement légendé Charlotte sous la photo. Pour ce premier anniversaire de la mort de sa mère lui reviendront sans doute à l'esprit les mots qu'elle lançait lors de ses obsèques, ses mots qui signifient que Jane, comme Serge, font désormais partie d'un patrimoine qu'elle entend sauvegarder et perpétuer : "Je vois déjà le vide qu'elle nous laisse. (...) Votre Jane, c'est ma maman, c'est notre maman."