Il n'est jamais bon de se quitter fâchés. Henri d'Orléans et son fils le prince Jean, c'est heureux, ne l'étaient plus au moment où le comte de Paris a rendu son dernier souffle, mort au matin du 21 janvier 2019 à 85 ans : "Oui, nos liens s'étaient apaisés", reconnaît le nouveau chef de la Maison royale de France dans un entretien accordé au magazine Point de vue, auquel il a réservé ses premiers commentaires sur la mort de son père.
Le duc de Vendôme était demeuré bien silencieux depuis le très sobre communiqué qu'il avait diffusé pour faire part de la disparition du comte de Paris, ne s'exprimant ensuite que pour annoncer ses obsèques, samedi 2 février en la chapelle royale de Dreux (où une chapelle ardente se tient depuis mercredi). Pour l'hebdomadaire spécialiste du gotha, le prétendant orléaniste au trône de France fait le récit de la funeste matinée du 21 janvier. "On ne s'attendait pas à un départ aussi soudain", avoue-t-il tout en décrivant le départ "paisible" du comte de Paris en cette date hautement symbolique puisqu'il s'agissait de l'anniversaire de l'exécution du roi Louis XVI – en faveur de laquelle avait voté Louis-Philippe d'Orléans (Philippe Egalité), son aïeul : "Il se préparait pour la messe à la mémoire de Louis XVI quand il s'est soudain senti fatigué. Il s'est donc recouché et peu de temps après son coeur s'est arrêté. Il est parti tranquille", détaille le prince Jean, évoquant une peine "atténuée par cette impression que les choses se sont passées de manière paisible".
C'est également dans un climat familial apaisé que le prince Henri, "une personnalité attachante, dotée d'une grande gentillesse, mais qui pouvait se montrer très dur avec ses proches et ses enfants", s'est éteint : "Sur le plan personnel, la mort de François a en effet changé les choses", ne cache pas Jean d'Orléans, faisant allusion à la disparition de son frère handicapé le 31 décembre 2017 et à la querelle dynastique au coeur de laquelle il se trouvait, qui opposa durant des années Jean à son père. Né lourdement handicapé des suites d'une toxoplasmose pendant la grossesse de sa mère, François d'Orléans avait été écarté en 1981 par son grand-père au profit de Jean, disposition qu'Henri d'Orléans avait d'abord confirmée en 1999 à la mort du précédent comte de Paris, puis infirmée en 2003, restituant à l'aîné ses droits dynastiques de dauphin et faisant de Jean son régent. Un état de fait que le prince Jean n'avait jamais accepté et qui avait même donné lieu, en 2016, à une joute publique par médias interposés.
Mon père avait changé depuis le décès de mon frère François
La mort de François, dans la nuit du 30 au 31 décembre 2017, avait soldé ce différend familial et permis que les relations se réchauffent entre Henri et Jean. Dernièrement, ils échangeaient "sur l'actualité politique et sociale" du pays, que le comte de Paris commentait de manière régulière sur Twitter quand il ne s'adonnait pas à sa passion pour la peinture, et se partageaient les rôles au sein de la maison de France. Mais elle avait aussi profondément marqué l'octogénaire : "Mon père avait changé depuis le décès de mon frère François. Il était à la fois plus serein, mais aussi plus fatigué. Mon père a eu une vie compliquée, parfois dure, et la mort de François fut une épreuve supplémentaire dont il n'est pas sorti indemne", observe le prince Jean.
Au nombre de ces épreuves figurent, bien sûr, les premières années de vie en exil d'Henri d'Orléans, mais aussi – et surtout – son mariage malheureux avec la Marie-Thérèse de Wurtemberg et son histoire d'amour contrariée – mais finalement triomphante – avec Micaela Cousino. Avec la première, qu'on lui fit épouser en 1957, il eut cinq enfants mais "n'était pas heureux", de son propre aveu. Avec la seconde, qu'il connut en janvier 1974, il le devint, mais à quel prix ! Il lui fallut braver la désapprobation cinglante de son père, endurer bien des brimades et s'éloigner de ses enfants, ce que laisse affleurer le prince Jean, lequel avait tout juste 8 ans quand son père se sépara de Marie-Thérèse (titrée duchesse de Montpensier après leur divorce, prononcé en 1984) puis s'installa avec Micaela : "Je n'ai finalement pas énormément de souvenirs d'enfance avec lui, car il est parti en 1973, glisse-t-il à Point de vue tout en s'en remémorant un très précieux, quelques jours hors du temps dans les alpages autrichiens. Ce sont ces moments de vie, entre père et fils, que je garderai dans ma mémoire."
Le nouveau comte de Paris glisse également quelques mots sur la manière dont sa mère, 84 ans, a réagi à la nouvelle de la mort de son ancien époux : "Elle s'est montrée très digne. Quand on a aimé quelqu'un, il y a toujours un vide qui se crée au moment de sa mort", remarque-t-il. Pas un mot, en revanche, sur la comtesse de Paris, épouse en secondes noces d'Henri d'Orléans (civilement depuis 1984 et religieusement depuis 2009), dont l'état de santé actuel est fragile au point qu'elle ne devrait pas assister aux obsèques de son mari. Une cérémonie que le prince Jean, épaulé par sa femme la princesse Philomena et leurs cinq enfants (Gaston, 9 ans, Antoinette, 7 ans, Louise-Marguerite, 4 ans, Joseph, 2 ans, et Jacinthe, 3 mois), promet "belle et émouvante, digne de la maison de France et de la personne qu'était [son] père".