Isabelle Caro, jeune Française de 28 ans atteinte d'anorexie, connue notamment pour avoir posé pour la campagne publicitaire choc No-l-ita, est décédée le 17 novembre dernier, des suites de sa maladie. Celle qui avait dénudé son corps décharné sous l'objectif du photographe Oliviero Toscani (virulent à son propos), a reçu un hommage discret en l'église Saint-Joseph-des-Épinettes, dans le 17e arrondissement de Paris, avant d'être inhumée dans le Gard. Son décès, révélé seulement le 21 décembre dernier par l'une de ses amies, a été une terrible nouvelle pour ceux qui suivaient son parcours et qui la soutenaient dans sa lutte, qu'elle a menée jusqu'au bout.
Le magazine France Dimanche publie cette semaine la dernière interview de celle qui est devenue le porte-parole des femmes souffrant d'anorexie. Des déclarations poignantes, dont nous vous proposons quelques extraits.
Isabelle, qui comparait son corps à celui "d'une vieille", expliquait son mal-être par la surprotection de sa maman, dépressive depuis qu'elle était âgée de 4 ans. Cette dernière vivait avec un homme et en aimait un autre (le père biologique de sa fille). Elle a été plongée dans une grande détresse lorsque son amant avait décidé de mettre un terme à leur relation.
"Nous ne sortions jamais. Je pensais que j'étais laide, que j'étais un monstre, et qu'elle n'osait pas me montrer. Elle me couvrait le visage d'écharpes pour me sortir. (...) J'étais la seule chose de l'amour de cet homme qui l'avait quittée. (...) J'aime ma mère plus que tout. Je le sais, c'est paradoxal, mais je continue à l'aimer. Trop, même. Rien que de vous en parler, j'en ai les larmes aux yeux", avait-elle confié au magazine.
Le moment déclencheur de sa maladie ? La jeune femme s'en souvient bien. "J'ai vu ma mère porter une bouteille de gaz de 35 kilos. Elle m'a dit : '35 kilos, c'est énorme, tu te rends compte, ça me casse le dos !' J'avais 12 ans et pesais 39 kilos. Je me suis alors dit : 'Je suis obèse, il faut que je perde du poids.' A l'adolescence, j'étais encore une petite fille pour elle. Elle ne m'a rien expliqué. J'ai commencé à me bander les seins et à me raser le pubis. Je voulais arrêter ma croissance."L'auteure de La petite fille qui ne voulait pas grossir, qui a longtemps eu pour seul régime "du lait, parfois un carré de chocolat ou une cuillerée de taboulé", a avoué qu'elle se trouvait parfois "belle" avec sa maigreur. Elle a également dévoilé une étonnante information : "Je trouvais que mes lèvres étaient grosses, mon nez épaté et mon menton très moche. J'ai donc décidé de tout refaire. J'ai été contente du changement. Peut-être étais-je jolie avant, mais mon image était faussée dans ma tête."
Lorsqu'elle énonçait ces propos touchants, Isabelle pesait 35 kilos et avait envie de remonter la pente. "Ma définition du bonheur ? Être en bonne santé ! Manger sainement et être enfin bien dans mon corps. Avoir un enfant aussi...", avait-elle déclaré. Elle avait conclu : "Je souhaite voir mes petits-enfants également. Quel ennui, si je finis seule ma vie !"
Réveiller les consciences, briser les tabous et s'échapper de son cercle vicieux, tels étaient les objectifs de la jeune femme, victime de cette dictature de la minceur qui entraîne tous les excès. Malheureusement la maladie a été plus forte que sa volonté de s'en sortir...
L.R