Initialement annoncés parmi la riche distribution de l'élégante soirée au profit du Japon organisée dans quelques jours au Théâtre des Champs-Elysées et finalement déprogrammés, la soprano vedette Natalie Dessay, 45 ans, et son baryton de mari Laurent Naouri, 46 ans, associé auquel elle triomphait dans sa première Traviata à l'été 2009 (un classique qu'elle doit à nouveau présenter cette année), ne se défilaient pas ce dimanche, donnant à l'Opéra royal de Versailles un récital ardemment attendu par les initiés.
Et, parallèlement, ils ne se sont pas défilés non plus quand il s'est agi d'accorder au Figaro une rarissime interview... en couple. L'occasion d'une plongée exceptionnelle forcément instructive dans leur intimité, eux qui vivent ensemble depuis une vingtaine d'années et ont deux enfants, un garçon et une fille - un vrai challenge quand on se figure les exigences d'une vie nomade de chanteur lyrique... Car, comme le souligne le quotidien, si on les a entendus réunis ce dimanche pour des extraits de Hamlet et de la Traviata à Versailles, et si on les retrouvera bien partenaires de jeu pour Pelléas et Mélisande au Théâtre des Champs-Elysées en avril, ils forment un "couple à la ville plus qu'à la scène". Extraits de leurs confidences, où se mêlent vivacité, estime mutuelle, respect et intense complicité...
La rareté de leurs collaborations artistiques : "On ne s'appelle pas Roberto et Angela !", plaisante Natalie Dessay, tançant gentiment Roberto Alagna et son épouse Angela Gheorghiu, régulièrement associés à la scène. "Sans plaisanter, parce que nous avons peu de répertoire en commun, reprend-elle (...) Nous n'avons jamais voulu imposer aux maisons d'opéra un 'package', parce que nous n'en sommes pas un." Voilà pour l'aspect pro, Laurent Naouri complète en évoquant l'aspect perso : "Jusqu'ici, les enfants étaient petits. Il fallait donc alterner les absences. On nous a par exemple proposé Les Contes d'Hoffman en 2013 à San Francisco, mais je resterai à la maison car notre fils passera alors son bac." La maman fait remarquer : "Certains collègues ont toujours emmené leurs enfants avec eux. Nous avons privilégié la stabilité, car nous ne voulions pas les priver de vie sociale en en faisant des enfants de la balle."
Les goûts de leurs enfants en matière de musique : "(Laurent) On leur a ouvert une porte. Ensuite, il faut que ce soit naturel. (Natalie) Notre fille aime bien chanter... mais c'est plus Lady Gaga ! (Laurent) A chacun sa diva..."
Chacun sa carrière... mais une écoute mutuelle : "(Laurent) J'ai commencé ma carrière avec un déficit dans l'aigu, donc on pensait que j'étais basse ou baryton basse. J'étais le seul à deviner que j'étais baryton. Avec le travail et les années, ma voix s'est ouverte dans le haut. Nos carrières ne se sont donc pas développées au même rythme. Celle de Natalie a démarré beaucoup plus vite. (Natalie) Mais c'est un déséquilibre que Laurent a très bien géré, alors que c'est une situation qui peut être plus difficile pour un homme."
"(Laurent) Nous n'avons pas d'emprise absolue l'un sur l'autre. On s'écoute, on se conseille. C'est un échange. On ne s'est pas fait une 'charte de communication'. (Natalie) L'idée est de 'supporter' l'autre... au sens anglo-saxon du terme."
Le rôle dans lequel l'un voit l'autre : "(Natalie) Moi, c'est un rôle dans lequel je ne l'ai pas encore vu : Iago, dans Otello, de Verdi. J'aime les méchants, les bad boys ! Il faut être subtil. Je sais que Laurent ferait un traître d'anthologie. (Laurent) Là où Natalie m'a le plus subjugué, c'est dans Lucia di Lamermoor (...) J'ai entendu ça et l'émotion m'a pris. Je me suis dit que je ne pourrais jamais entendre personne d'autre dans ce rôle..."
Et plus tard... : "(Natalie) Moi, je parle d'arrêter tous les deux jours... et ça fait dix ans que ça dure ! Et je rêve d'un haras pour vieux chevaux. Si on arrête tous les deux, qui va le payer ? (Laurent) Tu ne veux pas le faire aussi pour vieux ténors ? (Natalie) Non, non ! Je préfère les chevaux : au moins, ils ne chantent pas !"