

De l'émotion, des dessins, mais aussi du rire... Assassiné par des djihadistes avec ses copains de Charlie Hebdo en ce triste mercredi 7 janvier 2015, Tignous aurait sans doute aimé cette cérémonie, hommage rendu en fin de matinée jeudi 15. Ses amis, connus - comme Christophe Alévêque - et moins connus, sa famille, mais aussi quelques personnalités comme la ministre de la Justice Christiane Taubira ou Ibrahim Maalouf se sont réunis pour dire adieu au dessinateur, dans sa ville de Montreuil (Seine-Saint-Denis), où il vivait.
Son épouse ne "peut pas lui dire adieu"
C'était sûrement le plus bel hommage qu'on pouvait lui rendre. Sur le perron de l'Hôtel de Ville, le cercueil de Bernard Verlhac, dit Tignous, mort à 57 ans, s'en est allé sous les applaudissements d'anonymes et autres amis. Un départ définitif entre quatre planches... couvertes de dessins. Des pandas - qu'il aimait tant croquer -, des caricatures, une mention "fragile"... Chacun y est allé de son coup de crayon avec, évidemment, un humour signé Charlie Hebdo au cours d'une cérémonie où l'émotion et le rire se sont tour à tour succédé au micro.
Pendant que les copains de Tignous - comme Wolinski, Elsa Cayat, ou encore le policier chargé de protéger Charb, Franck Brinsolaro - avaient eux aussi droit à un dernier adieu, il y a eu d'abord Chloé, l'épouse du dessinateur, forcément l'un des moments les plus émouvants. Particulièrement touchante, la maman de ses deux enfants Solal et Sarah-Lou - le dessinateur en a deux plus grands, Marie et Jeanne, rappelle Le Monde -, toujours digne, comme lors de son interview pour RTL, a eu du mal à parler de "son homme", "sa plus belle histoire d'amour", son "Titi", au passé. "Je ne peux pas lui dire adieu", dit-t-elle, la voix tremblante mais pleine de force. Devant les nombreux amis du couple, elle s'est souvenue de leurs grosses "engueulades", du "papa merveilleux", du "bon mari" et "bon amant", entre sourires et larmes de l'assistance, avant de répéter son espoir qu'il ne soit "pas mort pour rien".
"Titi" et son "crayon magique"
Coco, l'une des dessinatrices qui a survécu à l'attentat, a elle aussi pris la parole, s'adressant directement à son "Titi", le "dessinateur de talent" et "génie de la couleur qui s'endormait sur sa chaise en plein milieu de phrase". "Sans toi et les autres, ça ne sera plus pareil, ce sera un autre journal. On continuera sur la même ligne, comme on l'a toujours fait. T'avais jamais peur, mon Titi, nous non plus. Je te dis ça mais c'est pas vrai, je suis morte de trouille", a-t-elle dit à propos de son ami, inhumé dans l'après-midi au cimetière du Père-Lachaise.
Autre moment fort, le passage de Christine Taubira, ministre de la Justice. Car Tignous a dessiné de nombreux procès, comme celui d'Yvan Colonna, dont il a fait un livre. "Il avait ce crayon magique avec lequel il voulait nous transmettre les émotions d'un procès", a-t-elle loué, saluant le "regard caustique et lucide sur le monde très fermé de la prison" du dessinateur, qui "appartient à la haute et grande lignée des dessinateurs judiciaires". "Y a-t-il des tabous en France ? Mais oui, le syndicat de l'imprimerie et de la presse, a-t-elle poursuivi en plaisantant sur un ton très Charlie Hebdo. Mais c'est le seul. En France, on peut tout dessiner, y compris un prophète, parce qu'en France, pays de Voltaire et de l'irrévérence, on a le droit de se moquer de toutes les religions."
"On pourrait se mettre à prier..."
Mais un hommage à Tignous n'aurait pas pu faire se faire sans humoriste. Et c'est Christophe Alévêque, héritier et proche de la "famille" humoristique de Charlie Hebdo - il a écrit dans Siné Hebdo -, qui a rempli cette mission avec un hommage émouvant et drôle. Accompagné d'un violoncelliste, il a notamment fait entonner à la salle le chant de la résistance italienne, Bella Ciao, au début de la cérémonie. "Nous avons un genou à terre, mais l'essentiel c'est de ne pas avoir les deux, on pourrait se mettre à prier", a-t-il notamment clamé sous les rires de la salle. Et sûrement celui de Tignous.