Patrick Le Lay n'est plus. L'ancien dirigeant de TF1 (1988-2008), qui avait également été l'éphémère président - un intérim de deux ans entre 2010 et 2012 - du club de football du Stade Rennais, est mort à l'âge de 77 ans, a révélé dans la soirée du mercredi 18 mars 2020 le site de l'hebdomadaire Le Point.
Ingénieur de formation et Breton pur jus, la natif de Saint-Brieuc s'était fait remarquer au sein du groupe Bouygues et s'était vu confier par son fondateur, Francis, le dossier de candidature à la privatisation de TF1, en 1987. L'opération ayant été menée avec succès, Patrick Le Lay, d'abord vice-président, en devient en 1988 le président-directeur général, point de départ de deux décades d'une révolution à marche forcée pour en faire, avec le concours d'Etienne Mougeotte et à l'aune de la toute-puissance de l'audience, la première chaîne privée d'Europe.
Animateurs et animatrices têtes d'affiche, journal télévisé rouleau compresseur, jeux télé d'access prime time et émission de prime time hégémoniques ou encore programmes américains : la recette fonctionne à merveille et TF1 règne sans partage, jusqu'au mitan des années 2000, où le succès s'émousse sous l'effet de l'émergence des chaînes de la TNT, entre autres, un tournant qu'il n'a pas voulu prendre. En juillet 2008, soit moins d'un an après s'être vu décerner à New York l'Emmy Award du meilleur directeur de télévision, il démissionne de son poste de président du conseil d'administration de TF1, qu'il assumait depuis mai 2007.
Un homme tissé de contradictions assumées
Par la suite, celui à qui l'on doit également la création de la chaîne régionale Breizh TV (filiale de TF1) et de la première chaîne d'info en continu (LCI) présidera le fonds d'investissement Serendipity, détenue en majeure partie par Artemis (famille Pinault) et Bouygues, en charge d'investir le marché du jeu en ligne pour le Groupe. Après en avoir été remercié, Patrick Le Lay assumera de mai 2010 à juin 2012 les fonctions de président du Stade Rennais, nommé par le propriétaire François Pinault en remplacement de Frédéric de Saint-Sernin, qui reprendra finalement son poste.
Dans leur article révélant la disparition de Patrick Le Lay, les journalistes du Point Florent Barraco et Jérôme Béglé, loin de réduire l'homme à la phrase brutale pour laquelle il a été largement stigmatisé ("Ce que nous vendons à Coca-Cola, c'est du temps de cerveau humain disponible"), en brossent en quelques lignes un portrait pétri de ses paradoxes : "Il est à la fois un cartésien rigoureux attiré par les voyous et les paillettes, un catholique fervent joueur de poker, un patient collectionneur de timbres et de vieux livres au caractère volcanique, un manager brutal fidèle en amitié, un identitaire Breton anti-européen, mais curieux du monde et des autres. Capable de créer TV Breizh, afin de faire rayonner la culture régionale, tout en abreuvant la grille (ad nauseam) de séries américaines. Un patron sans cesse en quête d'innovations, mais qui rate le virage (si stratégique) de la TNT. Un homme tissé de contradictions assumées qui le rendaient à la fois pragmatique et détonnant dans tous les milieux dans lesquels il est passé."
De premiers hommages à ce capitaine de télévision, qui était depuis 2008 commandeur dans l'ordre de la Légion d'honneur, ont commencé à fleurir sur les réseaux sociaux, à l'image de ceux de Nicolas de Tavernost, président de M6 qui salue avec estime et tristesse un "concurrent redoutable", et de Delphine Ernotte, patronne de France Télévisions, touchée par la disparition d'un "visionnaire (...), précurseur dans de nombreux domaines".