Ils risquaient jusqu'à dix ans de prison ferme. Les rappeurs ennemis Booba et Kaaris, contre qui le parquet a requis seulement un an de prison avec sursis, seront fixés sur leur sort le 9 octobre 2018, a annoncé dans la nuit de jeudi à vendredi le tribunal correctionnel de Créteil.
Le tribunal a également levé leur contrôle judiciaire. Interdit de quitter la France après trois semaines de détention provisoire, comme tous les autres prévenus, Booba peut donc rejoindre sa famille à Miami, où il vit.
Au terme d'une journée-marathon entamée en début d'après-midi, tout s'est finalement bien passé et sans tension entre Booba, Elie Yaffa à l'état civil, Kaaris, Gnakouri Okou de son vrai nom. Goguenard en chemise à carreaux, l'autoproclamé Duc de Boulogne s'est permis des messes basses avec la dessinatrice de presse et a parfois rabroué sèchement les avocats adverses. Son rival de Sevran, en chemise blanche, a joué "l'apaisement" et présenté d'emblée ses "excuses".
Si le tribunal devait juger la bagarre d'Orly, il a aussi assisté à celle des avocats qui se sont écharpés lors de l'examen des différentes vidéos de la rixe, chacun criant pour imposer son interprétation des images. À sept contre quatre, le clan Booba affronte celui de Kaaris. Les bouteilles de parfum de la boutique duty free servent d'armes ou de projectiles. Bilan : des blessés légers dans chaque camp, plusieurs vols retardés et plus de 50 000 euros de casse.
"N'y avait-il pas moyen que cela se termine autrement?", a soupiré la présidente. "J'aurais bien aimé", a répliqué Booba qui assure s'être "défendu, tout simplement". S'il a donné le premier coup, "un coup d'intimidation" dira-t-il, c'est parce qu'il se sentait "encerclé" et "menacé" par Kaaris et son groupe, qu'il a "essayé d'éviter". "C'est vraiment pas ma faute, j'avais pas le choix madame, s'est justifié Kaaris. J'ai agi par légitime défense du début jusqu'à la fin." Selon le rappeur de Sevran, Booba lui aurait lancé : "Lève-toi, salope !" "Je me lève, c'est une erreur. Mais je me lève parce que prendre des coups assis, c'est plus grave que prendre des coups debout", a avancé l'ex-protégé de Booba.
Si chaque rappeur devait embarquer dans le même avion pour Barcelone, l'enquête n'a pu démontrer un quelconque guet-apens. Loin du coup marketing, "cette rencontre est fortuite", a estimé le procureur. "Sous le regard des passagers et des réseaux sociaux, cette rencontre ne pouvait que se conclure par une confrontation physique", a regretté le magistrat. À force de "clashs" publics, Booba et Kaaris "se sont créé des personnages forts, puissants, violents, excessifs et déterminés", a-t-il décrit. Dans ce contexte, "baisser les yeux, détourner le regard, ignorer l'autre, c'est déjà perdre la face", a résumé le procureur.
Il a fustigé deux hommes qui "ont perdu toute lucidité", mus par la peur de devenir "la risée d'internet". Et les a renvoyés à "leurs responsabilités" de "chefs d'entreprise", mais aussi de "pères de familles".
"C'est tellement simple de dire tous coupables, tous responsables", a réagi l'avocat de Kaaris, David-Olivier Kaminski. "Où est la violence dans le geste de se lever et de se placer devant quelqu'un ?, s'est-il indigné. Quand on se fait attaquer, il faudrait ne rien faire ?"
De son côté, la légitime défense "ne tient ni pour les uns, ni pour les autres" à en croire l'avocat de Booba, Yann Le Bras. Mais avant l'embarquement, "qui passe le message d'apaisement ? Qui dit 'ignorons nous' ? C'est le clan Booba". On en restera là, tous coupables c'est certain, mais les rappeurs se sont renvoyé la balle. Comme dans une cour de récré...