Quelques heures avant le concours du saut à la perche aux Jeux olympiques de Rio et le triomphe espéré de Renaud Lavillenie, fin prêt à défendre son titre olympique acquis à Londres, son prédécesseur Jean Galfione spéculait positivement, estimant qu'une barre à 5,93 m suffirait pour aller décrocher à nouveau l'or olympique. Renaud a fait mieux, effaçant 5,98 m (soit 1 cm de plus que son record olympique aux JO de 2012), mais cela n'a pourtant pas été suffisant.
La faute à un diable de Brésilien, Thiago Braz da Silva, 12e des derniers championnats du monde en salle avec 5,55 m (remportés par Lavillenie avec 6,02 m) et qui culminait à 5,90 m dans les semaines précédant le grand-rendez-vous : auteur du concours de sa vie, le régional de l'étape, âgé de 22 ans, a dépossédé le Français de son trône olympique et de son record par la même occasion avec une barre à 6,03 m. Cruel pour Renaud Lavillenie, battu à la loyale et récipiendaire d'une médaille d'argent au goût amer... La loi du sport. "J'ai la satisfaction d'avoir fait le concours qu'il fallait. Repartir de Rio avec une médaille d'argent, c'est quand même pas mal, a-t-il déclaré à l'issue du concours, philosophe et beau joueur. C'est une deuxième médaille olympique pour moi. C'est quelque chose qu'il ne faut pas dénigrer." Fair-play, en revanche, ce n'est pas l'attitude qui décrit le mieux le public brésilien, qui a conspué les rivaux de l'athlète brésilien : "Quand tu te fais huer alors que tu pratiques ton sport... Il y a une vraie frustration, une vraie déception de voir qu'aux Jeux olympiques, il n'y a aucune valeur de fair-play de la part du public. C'est dommage. S'il n'y avait pas eu ça, la compétition aurait été incroyable. (...) Je comprends qu'ils soient pour Thiago, mais le manque total de respect à ses adversaires, je ne le conçois pas. On peut ne pas nous soutenir, nous ignorer. Mais là, j'ai pris ça comme une insulte", a déploré Renaud Lavillenie, très marqué par la "méchanceté du public" au moment de son dernier saut. De fait, il repart aussi de Rio avec une petite polémique après avoir comparé sa situation à "celle de Jesse Owens en 1936 à Berlin", une réaction à chaud pour laquelle il a ensuite présenté ses excuses.
Drapé dans le drapeau bleu-blanc-rouge mais le visage marqué par la déception, le perchiste de 29 ans a reçu le soutien de tout son clan, présent et abattu dans les premières travées du stade olympique João-Havelange, et en particulier d'Anaïs Poumarat, sa compagne depuis 2007. Le même jour, on pouvait découvrir dans Le Journal du dimanche une interview à coeur ouvert de la perchiste de 27 ans, vice-championne de France 2015 de la spécialité, sur leur vie à deux, le caractère de son homme et l'influence qu'elle a sur lui : "Je le stabilise, confie-t-elle notamment. Si je n'étais pas là, il vivrait dans l'anarchie, il mangerait aussi probablement n'importe quoi car il fait attention sans faire attention. (...) Ce qui est contradictoire, c'est qu'il est bordélique, mais qu'il a aussi tout en tête."
À Rio de Janeiro, elle a vibré avec lui, et sa déception à lui est sans doute aussi sa déception à elle : "J'aurais rêvé de faire un grand championnat avec lui, sur la piste, mais grâce à lui, je le vis de la tribune, en coulisse." Anaïs se décrit comme "l'inverse" de Renaud : elle doute tandis que lui "a cette immense qualité de n'avoir que des pensées positives". "Je vis avec le mec qui a le plus de mental au monde, le seul risque est de se sentir parfois un peu nulle", observe-t-elle en riant. Un mec qui nourrit aussi une passion un peu obsessionnelle pour son sport : "Vivre avec Renaud, admet-elle, ce n'est pas simple tous les jours. Comme on fait le même sport, qu'on s'entraîne tous les jours et qu'on a compète le week-end, à la maison, c'est perche, perche, perche..." Elle s'est même retrouvée avec un sautoir dans leur jardin : "Pas une très belle déco, mais ça m'a amusée car je suis perchiste. (...) Il n'y a en fait personne de plus passionné que lui."
S'il commence à perdre...
Passionné au point de se projeter déjà vers les Jeux de 2024, que Paris postule à organiser. "Ça m'effraie un peu, avoue Anaïs Poumarat. On va bouffer de la perche jusqu'en 2024 ? (...) Si tout roule et qu'il n'a pas de pépins physiques, je ne vois pas pourquoi il ne sauterait pas en 2024." Et si elle l'imagine totalement continuer la perche "jusqu'à ce qu'il n'en puisse plus", elle tempère toutefois : "S'il commence à perdre, je ne suis pas sûre que ça l'amuse très longtemps." Ce qui n'arrangerait pas les affaires de madame, car l'hyperactif dont elle partage la vie reporterait forcément son énergie sur les activités à sensations fortes dont il raffole, à son grand dam : "Si on ne le calmait pas, il ferait tous les jours du parapente, du VTT, du tennis, de la moto... La moto, c'est d'ailleurs le plus gros point de friction entre nous. J'ai peur à chaque fois qu'il en fait et je ne vais jamais le voir."
Les frissons, avec Renaud Lavillenie, c'est loin d'être fini...
Interview à retrouver en intégralité sur le site du quotidien L'Équipe.